
A l’approche des premières élections libyennes en près d’un demi-siècle, une multitude de partis politiques a fait son apparition. FRANCE 24 fait le point sur les principales formations qui devraient marquer le scrutin du 7 juillet.
Pas une fois, en près d’un demi-siècle, la Libye n’avait connu d’élection nationale. La dernière remonte à 1965. Quatre ans plus tard, en 1969, Mouammar Kadhafi prenait le pouvoir et s’apprêtait à le conserver sans partage pendant 42 ans. Jamais, au cours de ces quatre décennies, il ne s’est embarrassé de la moindre consultation populaire - pas même de l’un de ces scrutins fantoches plébiscitant à 90% le leader en place.
Le 7 juillet, ce désert électoral connaitra pourtant une petite révolution : les Libyens se rendront aux urnes pour le premier scrutin national depuis la chute de Kadhafi. Ils désigneront les 200 membres d’une assemblée chargée de rédiger une nouvelle Constitution et d’établir une feuille de route, avant la tenue d’élections législatives, en 2013.
L’organisation d’un scrutin dans ce pays fort peu rompu à l’exercice relève du défi. A l’origine, l’élection devait se tenir le 19 juin. Mais face aux nombreuses difficultés, notamment la validation de plus de 3 700 candidatures, les autorités ont repoussé le scrutin de plusieurs semaines.
Cependant, ni les retards, ni le manque d’expérience électorale, ni l’immense déception provoquée par l’autorité intérimaire ne sont parvenus à entamer l’enthousiasme des Libyens pour leurs premiers pas en démocratie. Fin juin, plus de 2,7 millions de citoyens étaient inscrits sur les listes électorales - soit 80 % des personnes en âge de voter, selon des statistiques publiées par la Haute Commission nationale des élections (HNEC).
Sur les 3 700 candidats inscrits - ils étaient 4 000 avant l’examen de deux commissions -, 2 500 se présentent sans étiquette et 1 200 sous la bannière de l’un des 142 partis politiques officiels, la plupart créés au cours des derniers mois.
Les partis politiques libyens se divisent grossièrement en deux grands courants : les islamistes et les nationalistes laïcs. Les premiers recouvrent un large spectre, allant des modérés aux ultras-conservateurs. La plupart des experts s’accordent à voir le courant islamiste triompher.
Dans ce paysage politique, trois grands partis - deux islamistes et un nationaliste laïque - se distinguent.
Le Parti de la justice et de la construction (PJC, Frères musulmans)
Nom arabe : Hizb al-Adala wa al-Bina
Idéologie : islamiste
Leader : Mohammed Sawan
Nombre de candidats en lice : 73
Site web (en arabe) : http://www.ab.ly/ar/
Créé en mars 2012, le Parti de la justice et de la construction (PJC) est calqué sur la vitrine politique des Frères musulmans égyptiens : le Parti de la liberté et de la justice. Mais les Frères musulmans libyens ne possèdent ni l’enracinement ni la taille de leurs confrères égyptiens.
Sévèrement opprimés sous le régime de Mouammar Kadhafi - les médias d’État les ont longtemps délicatement surnommés "chiens errants" -, nombre de Frères musulmans ont été emprisonnés et exécutés. La répression a contraint une partie d’entre eux à émigrer, notamment aux États-Unis et au Royaume-Uni.
Après le soulèvement de 2011, les Frères musulmans libyens ont adopté une ligne politique modérée. Le Parti de la justice et de la construction s’est ainsi démarqué des salafistes ; il a également rejeté les propositions de coalition venant d’autres partis islamistes. Trois femmes siègent au sein du bureau central des Frères musulmans, fort de 45 membres.
Mohammed Sawan a pris les rênes du parti à l’issue d’une conférence de trois jours, au mois de mars. Sa candidature à l’élection du 7 juillet sonne comme une revanche pour cet homme emprisonné pendant huit ans dans les geôles de Kadhafi.
En mai 2012, le parti a été largement plébiscité à Benghazi, berceau libyen des Frères musulmans, lors des élections municipales, où près de la moitié des électeurs ont voté en sa faveur. Avec ses 73 candidats - dont 35 femmes -, le PJC est le principal acteur de l’élection à venir.
Le parti de la Nation
Nom arabe : Hizb al-Watan
Idéologie : islamiste
Leader : sera désigné après les élections du 7 juillet. Cependant, Abdelhakim Belhaj, candidat dans le 13e district de Tripoli et ancien gouverneur militaire de la ville, est considéré de facto comme le n°1 du groupe.
Nombre de candidats : 59
Site internet (arabe) : http://wattan.ly/
Fondé en avril 2012, Hizb al-Watan s’est fait rapidement connaître par sa grande campagne d’affichage dans les rues de la capitale libyenne. La presse nationale et internationale s’est beaucoup penchée sur l’une de ses figures de proue, Abdelhakim Belhaj, le très controversé ancien leader du Groupe islamique combattant en Libye (GICL), affilié à al-Qaïda, qui a lancé des poursuites judiciaires contre le gouvernement britannique pour son enlèvement, en 2004, en Thaïlande et son rapatriement vers la Libye de Kadhafi dans la foulée.
Les liens de Belhaj avec Ali Salabi, un chef religieux basé au Qatar, ont cependant terni sa popularité au cours de cette dernière année. Une plaisanterie locale compare les couleurs violette et blanche du parti avec le drapeau qatari…
Al-Watan cite l'islam comme cadre de référence dans toutes les sphères - privées et publiques. Il s’oppose au fédéralisme, mais appelle à la décentralisation.
Le parti présente 59 candidats, dont une moitié de femmes.
L’Alliance des forces nationales (AFN)
Nom arabe : Tahalof al-Quwat al-Wataniya
Idéologie : considéré comme liberal, il revendique la participation de groupes laïcs et islamistes dans son mouvement.
Leader : Mahmoud Jibril (ancien numéro deux du Conseil national de transition, jusqu’à sa démission en octobre 2011)
Nombre de candidats : 70
Site internet (arabe) : http://www.nff.ly/Tahalof_HomePage.aspx
L’AFN est une coalition de 58 partis politiques. Bien qu’étant techniquement davantage une entité qu’un parti politique, ses différentes composantes font corps en vue des élections du 7 juillet.
L’AFN est dirigé par Mahmoud Jibril, le "visage international" de l’opposition libyenne au sein du Conseil national de transition (CNT), où il a fait office de Premier ministre par intérim jusqu’en octobre 2011. C’est Jibril qui, en mars 2011, a rencontré le président français d’alors, Nicolas Sarkozy, assurant ainsi la première reconnaissance internationale du CNT.
Jibril a été professeur à l’Université de Pittsburgh, en Pennsylvanie, avant de partir pour Le Caire, où il a travaillé en tant que consultant en management. Le fils de Kadhafi, Saïf al-Islam, l’a ensuite appelé à rejoindre le Bureau national de développement économique en Libye. S’il est apprécié à l’étranger, ses années au service du régime de Kadhafi provoquent, au contraire, la méfiance chez nombre de ses compatriotes.
L’autre figure éminente de l’Alliance des forces nationales est Ali Tarhouni, professeur de management à l’Université de Washington pendant de longues années. Il a été ministre des Finances au sein du Conseil national de transition.
Tarhouni a créé le Parti national centriste en février 2012 avant d’intégrer l’AFN de Jibril. Mais selon des sources concordantes, les deux hommes n’entretiennent pas toujours de bonnes relations.
Avec un total de 70 candidats, l’AFN s’assure la deuxième plus grande présence au scrutin du 7 juillet, juste derrière le parti des Frères musulmans.