Le Cern n’a jamais été aussi proche de la découverte du boson de Higgs, puisqu’il a mis le doigt sur une particule ayant les mêmes caractéristiques. Une étape majeure qui marquerait la fin d'un chapitre, selon la physicienne Anne-Isabelle Etienvre.
La traque physique des vingt dernières années s'achève... ou pas. L’Organisation européenne de recherche nucléaire (le Cern) a annoncé, mercredi matin, avoir mis le doigt sur une nouvelle particule qui colle parfaitement ou presque avec le très convoité boson de Higgs.
Presque. Car les physiciens qui ont abouti à la conclusion de l’existence de cette nouvelle
itparticule hésitent encore : c’est soit le célèbre boson - chaînon manquant du modèle standard qui explique la formation de l’univers - soit une autre particule. Le Cern doit dorénavant mener d'autres expériences pour affiner encore ses résultats.
Mais dans les deux cas de figure, une étape importante dans l’histoire de la physique a été franchie, comme l’explique à FRANCE 24 Anne-Isabelle Etienvre, physicienne au CEA (Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives) qui travaille sur Atlas, l’un des deux détecteurs de particules impliqués dans la découverte rendue publique mercredi.
FRANCE 24 : Pouvez-vous résumer ce que le Cern a annoncé ce mercredi 4 juillet ?
Anne-Isabelle Etienvre : Nous pouvons dorénavant affirmer, avec une marge d’erreur inférieure à un sur un million, qu’une nouvelle particule a été découverte. Elle correspond en outre à ce que nous connaissons, en théorie, du boson de Higgs. Deux expériences distinctes menées au Cern ont montré le même excès de masse qui nous permet d’arriver à cette conclusion.
FRANCE 24 : Vous avez donc sablé le champagne pour fêter la découverte du boson de Higgs ?
Anne-Isabelle Etienvre : Disons qu’il est encore au frais, mais à portée de main. En fait, soit la particule découverte est le boson de Higgs, soit s’en est une autre qui correspond à d’autres théories, qui vont au delà du modèle standard comme la théorie de la supersymetrie [qui affirme que chaque particule positive à son alter ego négative, NDLR]. Il nous faut dorénavant réduire encore la marge d’erreur pour pouvoir affirmer si c’est bel et bien le boson de Higgs.
FRANCE 24 : Mais alors ce n’est toujours pas le fameux chaînon manquant dans la théorie du modèle standard des particules ?
Anne-Isabelle Etienvre : Oui et non...
FRANCE 24 : Mais encore….
Anne-Isabelle Etienvre : Nous avons bel et bien isolé une particule qui permet d’expliquer pourquoi les autres particules ont une masse. En ce sens, la boucle du modèle standard est bouclée. Sauf que dans cette théorie, c’est le boson de Higgs qui tient ce rôle et je ne peux pas vous affirmer avec une certitude absolue que c’est bien à lui que nous avons affaire aujourd’hui. Mais si c’est une autre particule, cela ouvre des perspectives complètement nouvelles.
FRANCE 24 : En fait, vous espérez presque que ce ne soit pas le boson de Higgs ?
Anne-Isabelle Etienvre : On peut dire ça. Trouver le boson de Higgs est bien sûr une découverte majeure dont on peut à juste titre se féliciter. Mais si c’est ce boson, c’est la fin d’une histoire. La découverte valide simplement une fois pour toute le modèle standard. Si, en revanche, c’est encore une autre particule, cela nous permet d’explorer des pistes nouvelles, de faire des recherches pendant des années pour en comprendre les implications.
FRANCE 24 : Est-ce que cette découverte à des implications pratiques ?
Anne-Isabelle Etienvre : C’est avant tout une avancée majeure pour la recherche fondamentale. Alors certes, elle n’a pas d’application concrète directe, mais elle permet de comprendre l’infiniment petit, de mieux cerner la formation de la vie et même de l’univers [le boson de Higgs intervient dans la théorie du Big Bang, NDLR]. Ce n’est tout de même pas rien !