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Royaume-Uni : quand le Libor ébranle la City

La banque Barclays est accusée d'avoir faussé pendant des années le Libor, l'un des taux financiers les plus importants au monde. Mais d'autres banques pourraient aussi être impliquées dans ce qui est un scandale majeur pour la City.

Il y aurait quelque chose de pourri au royaume de la City. Tel est le sentiment qui se dégage du scandale d’une violence rare qui est en train d’ébranler le cœur de la finance britannique. Tout a commencé mercredi 27 juin, lorsque la banque Barclays a accepté de payer la somme record de 362 millions d'euros pour mettre un terme aux enquêtes diligentées contre elle au Royaume-Uni et aux États-Unis. Elle est accusée d’avoir manipulé le Libor ("London Interbank Offered Rate"), l’un des taux les plus importants sur les marchés financiers. D’autres banques sont aujourd’hui, également, soupçonnées d’avoir contribué à truquer cet indicateur qui sert de référence pour fixer le cours auquel s’échangent plus de 350 000 milliards de dollars de produits financiers de par le monde.

Cinq jours et une bronca généralisée contre les institutions financières britanniques plus tard, Marcus Agius a démissionné, ce lundi 2 juillet, de son poste de président de la banque Barclays. Le même jour, le Serious Fraud Office britannique - l’agence publique chargée d’enquêter sur les cas les plus graves de corruption - a évoqué la possibilité d’ouvrir une enquête criminelle concernant cette manipulation des marchés financiers.

Le scandale a terni l’image des banques britanniques à un point rarement atteint. Le ministre britannique des Finances, Georges Osborne, a évoqué une “affaire choquante” et le patron de l’autorité de régulation des marchés financiers, Adair Turner, a qualifié les faits de “honteux” en fin de semaine dernière. Même le patron de la Banque centrale britannique, Sir Mervyn King, a appelé, vendredi, à une réforme du système bancaire britannique à la lumière “des dérapages” qui ont eu lieu dans cette histoire. FRANCE 24 revient sur les tenants et les aboutissants de ce scandale financier à grande échelle.

Qu’est-ce que le Libor ? Il s’agit du taux, défini à Londres, auquel les banques se prêtent de l’argent entre elles. C’est le plus important taux interbancaire au monde et 16 banques - dont la Société générale, le Crédit agricole et BNP Paribas - participent à sa fixation. Elles remontent quotidiennement les taux auxquels elles se prêtent de l’argent à la British Bankers' Association (BBA) qui en déduit le Libor correspondant à la moyenne de ces taux. Un grand nombre de produits financiers - aussi bien des prêts immobiliers que des prêts à des entreprises - sont ensuite indexés sur le Libor.

Que reproche-t-on à la banque Barclays ? Barclays est accusée d’avoir, depuis 2005, fourni de fausses informations sur le taux auquel la banque pouvait emprunter de l’argent auprès de ses consœurs. À partir de la crise de 2008, ces mensonges auraient consisté à systématiquement sous-évaluer le taux d’emprunt afin de cacher aux marchés les problèmes de financement qu’elle avait en réalité. Moins le taux était élevé, plus cela donnait l’impression que Barclays n’avait aucun mal à trouver de l’argent.

Barclays est-elle la seule banque concernée ? La Royal Bank of Scotland a déjà annoncé, vendredi, faire l’objet d’une enquête pour son éventuelle implication dans ce scandale. Cette banque, partiellement nationalisée, aurait en outre, d’après la BBC, licencié en fin d’année dernière quatre traders impliqués dans ces manipulations de marchés. En tout, une vingtaine de banques - en Suisse, en Allemagne, au Royaume-Uni ou encore au Japon - seraient concernées par ces enquêtes qui se déroulent sur tous les continents, d’après le Financial Times. Ces vastes manipulations auraient permis de minorer, au plus fort de la crise des subprimes, à quel point les banques ne se prêtaient plus d’argent.

Et maintenant ? Georges Osborne doit annoncer une enquête indépendante sur la manière dont le Libor a été fixé ces dernières années qui devrait aboutir à une réforme du système. Les enquêtes lancées un peu partout dans le monde devraient également permettre d’établir combien d’autres banques ont trempé dans ce scandale, ce qui pourrait entraîner une autre série de démissions de dirigeants. “Il semblerait bien que l’affaire Barclays ne soit que la partie émergée de l’iceberg”, titrait ainsi vendredi le populaire Daily Mail britannique.