Suite à la destruction d'un avion turc par l'armée syrienne, Ankara a riposté en déployant des forces à la frontière des deux pays. Mais la Turquie s'engagera-t-elle vraiment dans un conflit armé ? Rien n'est moins sûr.
La Turquie prépare-t-elle une riposte militaire contre Damas ? Depuis que l’armée syrienne a abattu le 22 juin un avion des forces aériennes turques au large de ses côtes, la tension est montée d'un cran entre les deux pays qui partagent une frontière de plus de 900 kilomètres et qui entretiennent des relations difficiles depuis le début e
Avion turc abattu: Bachar al-Assad "regrette à 100%"
AFP - Le président syrien Bachar al-Assad a regretté que la défense de son pays ait abattu, le 22 juin, un avion de combat turc, affirmant dans un entretien au journal turc Cumhuriyet publié mardi que l'appareil volait dans un espace utilisé dans le passé par des avions israéliens.
"L'avion volait dans un couloir aérien utilisé trois fois par le passé par l'aviation israélienne", a dit le président syrien, regrettant "à 100%" cet incident qui a fait monter d'un cran les tensions entre la Turquie et la Syrie.
n mars 2011 de la révolte syrienne. Ankara, qui soutient ouvertement l'opposition syrienne, a affirmé qu'elle agirait avec détermination face à Damas.
Les images de blindés et de batteries de missiles turcs faisant mouvement en direction de la frontière syrienne la semaine dernière nourrissent les spéculations. D’autant plus qu’un haut responsable rebelle a affirmé le 29 juin à l’AFP que l’armée syrienne a massé des troupes, "2 500 soldats et 170 véhicules et chars", à 15 kilomètres de la frontière avec la Turquie. Néanmoins, si la tension entre les deux voisins a rarement été aussi forte, l’hypothèse d’une riposte armée turque est toutefois jugée peu crédible.
"La Turquie n'a aucun intérêt à rentrer en guerre avec la Syrie, mais elle joue un rôle important dans la dynamique pour renverser le régime. Elle mène indirectement une guerre secrète contre son voisin en soutenant l'opposition par tous les moyens possibles", explique à FRANCE 24, Soli Ozel, profes s eur de relations internationales à l' université Kadir Has à Istanbul.
"Le moral de l'armée est mauvais"
Le déploiement de forces turques à la frontière serait d'abord un message de dissuasion, même si la Turquie a prévenu que l'armée ouvrira le feu au moindre incident. Selon les experts, cette action reste de l’ordre du symbole. "Ankara veut montrer qu'elle fait quelque chose, la Syrie est un objet d'humiliation pour le parti AKP au pouvoir. Il a condamné Assad, lui a dit de partir et il est toujours là", juge de son côté Gareth Jenkins, analyste au Silk Road Studies Program à l’université John Hopkins à Washington.
Enfin, ce dernier avance un autre argument pour écarter la thèse de la riposte militaire : l’état de marche des troupes turques, qui serait loin d’être optimal. À l’instar de l’état-major de l’armée qui a souffert d'une mise au pas par le pouvoir civil. "Le moral de l'armée est mauvais, beaucoup de généraux et d'amiraux sont en prison, et elle est déjà en guerre contre les Kurdes du PKK. Ce serait très difficile pour elle de se battre sur un autre front", poursuit Gareth Jenkins.
Ces dernières années ont en effet été marquées par un bras de fer entre l'AKP et l'armée qui a dû faire face à des arrestations en série. Près de 15% des officiers sont actuellement jugés pour leur implication dans différents complots présumés contre le gouvernement. Une victoire politique pour le président Recep Tayyip Erdogan, mais un coup dur porté à l'institution militaire
"Il y a 68 généraux et amiraux en prison mais il y a aussi des centaines de colonels emprisonnés. C'est très perturbant pour l'organisation, il ne peut pas en être autrement", conclut l’expert américain.