Alors qu’elle flirte avec la faillite économique, la petite île méditerranéenne de Chypre s’apprête à assurer la présidence tournante de l’Union européenne, le 1er juillet. Un leadership qui inquiète la zone euro.
A l’heure où la présidence danoise s’achève, c’est au tour de la zone grecque de l’île de Chypre - qui a rejoint l’Union européenne en 2004 - d’accéder, pour la première fois de son histoire, à la tête de la présidence tournante de l’UE. Le défi se révèle immense pour les autorités chypriotes, qui font parallèlement face à une crise économique sans précédent.
Il faut dire que la crise financière grecque arrive au plus mauvais moment pour le pays, condamné à subir les soubresauts économiques de la Grèce. Chypre est aujourd’hui endetté à hauteur de 14 milliards d’euros et son déficit public a atteint 6,3% du PIB, ce qui en fait un des pays les plus fragiles de la zone euro. Classé comme emprunteur à risque par les agences de notation, l’île méditerranéenne a dû se résigner, le 25 juin, à demander l'aide de l'Union européenne et du Fonds monétaire international (FMI) pour soutenir son secteur bancaire en difficulté.
"Un vrai paradoxe"
Pour Kurt Lauk, président du conseil économique lié à l'Union chrétienne démocrate (CDU) d’Angela Merkel, il est invraisemblable – si ce n’est inconscient - de laisser les rênes de l’UE à un pays qui sollicite l’aide financière... de l’UE. L’une des tâches incombant à la présidence étant précisément d’organiser le budget de l’UE pour les sept prochaines années. "C’est un vrai paradoxe. Comment le chien pourrait être responsable de l’offre des saucisses", avait-il lâché le 25 juin, appelant à refuser que la présidence de l’UE soit tenue par des pays sous assistance financière.
La critique passe mal auprès des autorités chypriotes, qui se déclarent "fin prêtes" à assumer leur rôle de leader européen. "Le problème [financier] chypriote et la présidence chypriote sont deux choses bien distinctes", déclarait en mai, Andreas Mavroyiannis, le ministre chypriote délégué aux Affaires européennes, "nous n’accepterons pas d’être considérés comme une présidence de seconde zone à cause de nos problèmes internes".
Le double jeu financier de Nicosie agace Bruxelles
Malgré la bonne volonté affichée de Chypre, l’orage gronde au-dessus de Nicosie. Car outre la question de sa capacité à diriger l’UE, le pays doit faire face à l’agacement de Bruxelles qui digère mal que Nicosie ait sollicité l’aide financière de Moscou en même temps que celle de l’UE. Et ce pour la seconde fois en deux ans. L’année dernière, la Russie, qui a tout intérêt à ce que Chypre tienne le coup, - le pays étant largement utilisé par les oligarques russes comme plate-forme financière -, avait injecté quelques 2,5 milliards d’euros dans l’île.
Mais cette stratégie fait grincer des dents Bruxelles qui dénonce le double jeu de Nicosie. Pour l’UE, Chypre cherche un appui financier russe pour échapper à un plan d’austérité européen, le prix à payer pour recevoir son aide financière. "Ce double jeu pose un sérieux problème d'affichage", regrettait d'ailleurs à ce propos un diplomate européen cité dans le Monde.fr.