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Angela Merkel accepte de mutualiser la dette... en Allemagne

Pourquoi la chancelière allemande refuse-t-elle aussi catégoriquement la création des euro-obligations alors qu’elle vient d’accepter le principe des Deutschland-bonds ? Peut-être parce que le contexte est différent...

La chancelière allemande Angela Merkel semble avoir offert aux Länder (États-régions) ce qu’elle refuse obstinément de concéder au reste de la zone euro. Elle a ainsi accepté, le 24 juin, que les régions allemandes émettent des obligations communes avec l’État fédéral afin de lever des fonds sur les marchés financiers à partir de 2013. Les Länder les plus endettés - comme le Schleswig-Holstein ou la Hesse - profiteront donc de la crédibilité financière de l’Allemagne pour bénéficier des taux les plus bas possibles.

Un mécanisme qui rappelle étrangement celui des euro-obligations qui ont reçu veto sur veto de la part d’Angela Merkel. La chancelière a même assuré, le 26 juin devant des députés allemands du FDP (parti libéral), qu’il n’y aurait pas d’euro-obligations “tant qu’elle vivrait”.

Ce grand écart de la chancelière allemande - entre coup de gueule européen et feu vert au niveau national - peut étonner à la veille d'un sommet européen crucial où certains argueront que les euro-obligations pourraient sauver la zone euro. Le quotidien français "Le Monde" assure même qu’Angela Merkel a accordé “discrètement” ces Deutschland-bonds aux Länder pour ne pas s'attirer les critiques des autres membres de l'Union européenne. Mais cette concession de la chancelière pour s’assurer le soutien de l’opposition sur le dossier de la réforme fiscale allemande n’a en fait pas été si “discrète” que ça. Toute la presse allemande s’en est fait l’écho depuis ce week-end sur le thème “d’abord en Allemagne puis en Europe ?”, comme le résume le quotidien "Die Welt".

Intérêts allemands bien compris

La plupart des médias allemands rappellent en effet que l’adoption de ces Deutschland-bonds ne s’est pas faite en une nuit. Cette mutualisation des dettes était demandée par les Länder depuis près d’une décennie. Berlin s’y est longtemps opposé pour la même raison qui pousse aujourd’hui Angela Merkel à ne pas vouloir des euro-obligations : sous le parapluie de ces obligations communes, les États les plus dépensiers n’auraient aucune incitation à améliorer leur équilibre budgétaire. Tout espoir ne serait donc pas perdu pour l’Italie, l’Espagne ou encore la Grèce de voir Berlin se montrer moins intransigeant... À condition de pouvoir attendre dix ans.

Et encore. Malgré les apparences, les euro-obligations ne descendent pas forcément des

Deutschland-bonds : le contexte diffère. “La principale différence est que les Länder et l’Allemagne sont sur la même ligne budgétaire et fiscale”, soulignait lundi 25 juin la version allemande du "Wall Street Journal". Une manière de rappeler qu’Angela Merkel a toujours dit que les euro-obligations pourraient voir le jour s’il y avait une vraie Europe budgétaire.

De plus, le gouvernement fédéral a déjà dit aux Länder qu’il ne serait pas solidaire de l’ensemble de ces obligations communes futures. Berlin ne se porterait garant que de la part qu’il amène au pot de ces Deutschland-bonds. Un mécanisme différent du modèle des euro-obligations qui repose sur une mutualisation complète de la dette. Seule manière, selon les défenseurs de ce système, de bénéficier de l'effet rassurant de la garantie des pays les plus solides comme l’Allemagne ou la France.

Enfin l’Allemagne a moins intérêt à voir émerger des euro-obligations que des Deutschland-bonds. Ces derniers ne feront jamais de l’ombre aux bonds du Trésor allemand. En revanche, des émissions de dette commune européenne pourraient apparaître comme la nouvelle valeur refuge au détriment de Berlin. Du coup, l’Allemagne pourrait avoir à payer plus cher l’argent qu’il emprunte actuellement pour une bouchée de pain (1,15 % pour des obligations à 10 ans) sur les marchés.