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À la suite des élections législatives, 155 femmes vont faire leur entrée au Palais-Bourbon. Un record pour la chambre des députés, mais le compte est loin de respecter la parité hommes-femmes, un principe inscrit dans la Constitution.

Il y a du progrès, mais le chemin de la parité à l’Assemblée nationale est encore long. 155 députées ont été élues pour siéger sur les bancs du Palais-Bourbon, soit un taux record de 26,9 %, contre 18,5 % cinq ans plus tôt (107 femmes y faisaient alors leur entrée). Cette vague féminine reste étroitement liée à la victoire du Parti socialiste, qui a apporté un nombre non négligeable de députées. 

Cette hausse notable - 45 % - est d’autant plus significative que les femmes n'étaient que 40 % à se présenter aux législatives, soit deux points de moins qu’en 2007. Pour expliquer cette percée à l'Assemblée nationale, Dominique Poggi, sociologue spécialiste des questions sur l’égalité hommes-femmes, avance plusieurs hypothèses : les femmes ont brigué des circonscriptions plus ouvertes et elles ont fait preuve d’encore plus de combativité qu’en 2007. "Les électeurs savent que les femmes peuvent faire de la politique autrement car elles sont de manière générale plus portées par l’intérêt public que par leur carrière personnelle", commente la sociologue.

Cette progression permet à la France de rattraper son retard en matière de féminisation des institutions par rapport aux autres pays européens. Auparavant classé au 18e rang, le pays se hisse désormais à la 9e place (sur 27). Avec 26,9 % de femmes, la France dépasse la moyenne européenne qui se situe à 24,62 %. Le principe de parité est inscrit dans la Constitution française depuis 2008. 

Si ces chiffres représentent un progrès vers l’égalité hommes-femmes, l’association Osez le féminisme est loin de se satisfaire de ce résultat. "La parité ne relève pas de l’affichage ou du politiquement correct", fait savoir dans un communiqué le mouvement qui pointe du doigt "l’hypocrisie des principaux partis". "Ces derniers s’approchent de la parité au niveau des candidatures tout en envoyant des femmes dans des circonscriptions non gagnables", précise-t-on.

"Madame la députée"

En s’attardant sur les résultats de chaque parti, force est de constater que la victoire du Parti socialiste a entraîné dans son sillage la féminisation de l'hémicycle. "C'est clairement grâce au Parti socialiste que l'Assemblée nationale connaît une vague de féminisation", commente Mariette Sineau, directrice de recherche CNRS au Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof) spécialiste de genre et politique. 

Le PS est représenté par 106 femmes sur un total de 280 élus socialistes. "Ce score de 37,5 % de femmes socialistes est lié à la volonté de Martine Aubry, Première secrétaire du PS, de renouveler le visage de son parti, commente Mariette Sineau. Les électeurs ont conforté ce choix de la féminisation".  Et de compléter : "Si le parti n'a pas présenté 50 % de femmes aux législatives, il a fait l'effort de les présenter dans des circonscriptions gagnables". 

Parmi les nouvelles élues socialistes, on retrouve notamment Marie-Hélène Fabre, première femme députée de l’Aude. Élue avec 56,83 % des voix contre 43,17 % pour son adversaire UMP Michel Py, elle demande à se faire appeler "Madame la députée" et indique vouloir accorder à l'Assemblée nationale une attention particulière à la condition des femmes et des jeunes.

"Le temps de la politique géré par les hommes blancs d’un certain âge est révolu", affirme Dominique Poggi, également auteure du rapport "Promouvoir la parité dans les collectivités locales" . "Les femmes, mais aussi les jeunes et les gens de couleurs peuvent enfin émerger".

À noter qu'Europe Écologie-les Verts respecte la parité avec 52 % de femmes, soit 9 députées sur les 17 élus. Et pour cause : le principe de la parité est inscrit dans les statuts du mouvement.

"L'UMP décroche la palme du sexisme"

De son côté, l’UMP fait figure de mauvais élève avec seulement 27 femmes élues contre 194 hommes. Elles représentent ainsi moins de 14 % des députés UMP... Le parti décroche à nouveau "la palme du sexisme en politique", estime Osez le féminisme, avant de s’interroger : "L’UMP aurait-elle un problème avec l’accès des femmes au pouvoir politique ?".

Au premier tour, seulement 30 % des candidats de l’UMP étaient des femmes, exposant le parti à des amendes. "Je plaide coupable avec regrets, c'est un arbitrage que nous avons eu à rendre et qui était difficile", avait déclaré Jean-François Copé, secrétaire général de l'UMP, expliquant que son parti avait besoin d’un maximum de députés sortants pour tenter de faire face à la déferlante socialiste redoutée par l'UMP.
 

Rien de vraiment étonnant aux yeux de Dominique Poggi. "Pour la droite, les droits de la femme n’ont jamais été une priorité, assure-t-elle. Dans ce domaine, les avancées ont toujours été davantage portées par les partis de gauche". Avant d’ajouter : "Si la gauche crée un ministère pour le Droit des femmes, la droite se contente d’un secrétaire d’État".

Selon la sociologue, avant d’atteindre la parité, il faudra encore faire évoluer les mentalités. La politique reste "un monde très dur et très macho dans lequel règne une ambiance de guerre", note Dominique Poggi qui rappelle que les femmes continuent d’exercer 80 % des tâches ménagères en France.

Les associations misent sur le président François Hollande, qui défend l’idée de parité hommes-femmes, pour espérer des avancées concrètes. Le gouvernement, composé de 17 femmes sur 34 ministres, respecte l’égalité hommes-femmes. L’exécutif souhaite également qu’une femme occupe la présidence de l'Assemblée. Dans les couloirs du Palais-Bourbon, les noms d’Elisabeth Guigou, ex-ministre de la Justice, et de Marylise Lebranchu, ministre chargée de la Réforme de l'État, circulent. Si une femme est élue le 26 juin, ce serait une première dans l’histoire de la République.