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Le pays enterre son chef d'État-major, deux jours avant le président Vieira

Le général Tagmé, victime d'une attaque à la bombe le 1er mars, a eu droit à des obsèques nationales en tant que "héros de la libération". Mardi, le pays enterrera le président Vieira à quelques dizaines de mètres de lui.

AFP - La Guinée-Bissau a enterré dimanche son chef d'état-major des forces armées, qui constituent l'armature de l'Etat, tué le 1er mars dans un attentat à la bombe à quelques heures de l'assassinat du président Joao Bernardo Vieira.

"Cette mort haineuse constitue un coup dur et terrible pour les forces armées, perpétré par des mains invisibles qui cherchent à nous diviser", a assuré le ministre de la Défense Artur Silva, qui a aussitôt appelé à "l'unité".

Evoquant l'assassinat du président Vieira dit "Nino", au pouvoir durant 23 ans, M. Silva a ajouté: "On ne peut pas ne pas voir dans ces événements une tentative de décapiter l'Etat".

Les obsèques nationales du chef d'état-major, au club militaire, étaient organisées deux jours avant celles du chef de l'Etat, prévues au siège de l'Assemblée nationale.

Fusils mitrailleurs en main, quatre policiers militaires se trouvaient autour du cercueil couvert du drapeau national.

Dans le petit pays où "la confrontation militaire est la continuation naturelle de la politique", selon les mots d'un chef de parti, l'armée avait officiellement annoncé dès mardi qu'elle se soumettait au pouvoir civil.

L'ex-président de l'Assemblée nationale Raimundo Pereira, chef de l'Etat par intérim chargé d'organiser dans les 60 jours une élection présidentielle, a déposé une gerbe sur la tombe de l'officier, tout comme le Premier ministre Carlos Gomes Junior.

Mort sous des décombres après une explosion, "Tagmé" est le troisième chef d'état-major bissau-guinéen tué en une décennie. Succédant fin 2004 au général Verissimo Correia Sabra - criblé de balles par des militaires - Tagmé était alors devenu l'"homme fort" du pays, intransigeant et redouté.

Son éloge funèbre l'a présenté comme "un officier exemplaire" et "un homme humble".

Au bord des rues de terre bosselées, les populations ont regardé passer ou accompagné le cercueil jusqu'au cimetière municipal (catholique), modeste et bucolique, avec ses tombes peintes à la chaux.

Dans la foule, beaucoup - tel Ricardo, électricien de 25 ans - étaient venu rendre hommage au "héros de la guerre de libération" (1961-1974), Tagmé s'étant engagé, adolescent, dans le mouvement armé contre les colons portugais.

Mardi, le président Vieira sera enterré à quelques dizaines de mètres de lui.

En 1985, accusé - "faussement" selon son éloge funèbre - d'avoir participé à une tentative de putsch contre le président Vieira, Tagmé avait été torturé et emprisonné. Il avait opéré son retour dans l'armée en 1998-1999, au moment de la guerre civile qui avait chassé Vieira du pouvoir.

Et en 2005, les deux généraux s'était spectaculairement réconciliés, avant de nourrir à nouveau une profonde défiance réciproque.

Lundi, l'officier José Zamora Induta avait annoncé que le président Vieira avait été tué par des "militaires proches du chef d'état-major" et l'avait présenté comme "l'un des principaux responsables de la mort de Tagmé", avant de revenir sur ses déclarations.

Une autre piste évoquée pour l'attentat à la bombe est celle des narcotrafiquants, du fait de l'existence notoire de réseaux de trafic de cocaïne dans l'armée.

Sont également citées la piste de l'ex-chef d'état-major de la Marine Bubo Na Tchuto - réfugié en Gambie après avoir été accusé de putsch et soupçonné de trafic de drogue - ou encore la "piste politique".

Le ministre de la Défense a affirmé dimanche que le gouvernement mènerait un combat "sans relâche contre des groupes perturbateurs, le trafic de drogue et le banditisme".