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L'opposante birmane Aung San Suu Kyi entame sa tournée en Europe

Aung San Suu Kyi, chef de l'opposition birmane récemment entrée au Parlement, entame ce mercredi une tournée en Europe. La "Dame" y donnera notamment un discours pour l'obtention de son prix Nobel de la paix, 21 ans après sa distinction.

AFP - La chef de l'opposition birmane Aung San Suu Kyi a entamé mercredi un voyage aux allures de tournée triomphale en Europe, où elle prononcera enfin son discours de lauréate du prix Nobel de la paix et affinera son image d'icône mondiale de la démocratie.

"Je voudrais faire de mon mieux dans l'intérêt de la population" birmane lors de ce voyage, a-t-elle sobrement déclaré aux journalistes, juste avant de quitter Rangoun.

La "Dame", qui aura 67 ans le 19 juin, donnera sa "conférence Nobel" à Oslo samedi, 21 ans après avoir reçu la distinction qui l'a fait basculer dans une dimension politique planétaire.

Le symbole magnifique de son voyage à l'étranger est un peu terni par des événements sanglants en Etat Rakhine, dans l'ouest de la Birmanie, où des violences entre communautés bouddhiste et musulmane ont fait des dizaines de morts depuis quelques jours. Mais son programme n'a pas été modifié.

Elle atterrira donc comme prévu mercredi soir à Genève, où elle exposera aux Nations unies le problème brûlant du travail forcé. Elle poursuivra son voyage en Grande-Bretagne, où elle a fait ses études et fondé sa famille, puis Dublin, avant de conclure par Paris.

Un parcours de plus de quinze jours, à la fois personnel et politique, dans des capitales qui l'ont fidèlement soutenue depuis son premier discours militant en 1988.

Depuis lors et jusqu'il y a quelques semaines, elle était demeurée soit en résidence surveillée, soit suffisamment en conflit avec la junte pour ne jamais oser quitter le pays de peur d'être contrainte à l'exil. Libre depuis fin 2010, députée depuis avril, elle jouit aujourd'hui d'un tout autre statut.

Certains lui prêtent même le rêve de remporter les élections de 2015 et d'accéder à la magistrature suprême.

Le président Thein Sein, qui l'a réintroduite dans le jeu politique birman, a pour l'heure intérêt à la laisser user de son inépuisable pouvoir de séduction pour espérer se débarrasser des dernières sanctions et relancer une économie pleine de promesses, mais au point-mort.

Mais l'opposante, qui avait choisi la Thaïlande il y a deux semaines pour son premier voyage, y avait tenu un discours prudent sur les réformes, demandant aux investisseurs de conserver une "prudence salutaire" vis-à-vis du régime.

"Elle va vouloir que ses interlocuteurs en Europe mesurent que le dur travail des réformes politiques et de la transformation économique ne fait que commencer", a estimé Nicholas Farrelly, chercheur à l'Australian National University.

Suu Kyi sera accompagnée d'une délégation de quatre personnes, dont aucune ne fait partie du cercle historique des fondateurs de la Ligue nationale pour la démocratie (LND). Les "oncles", comme ils sont surnommés avec un mélange de respect et de critique, cèdent la place à une nouvelle génération.

Et si elle sait que l'accueil en Occident sera plus que chaleureux, elle va devoir peser chaque mot pour ne pas mettre en péril ses relations avec le pouvoir.

"Pendant des décennies (...), Suu Kyi était la gentille résistant aux généraux diaboliques", résume Gareth Price, expert de l'Asie au centre de réflexion Chatham House de Londres.

Désormais, "la question difficile pour elle et pour la communauté internationale est de comment encourager un groupe de gens à se priver eux mêmes de postes qu'ils occupent pour poursuivre le processus de réformes", a-t-il ajouté.

Le voyage s'achèvera le 30 juin. Mais le marathon comprendra une partie personnelle que, comme d'habitude, elle tentera de garder dans la sphère privée.

Car Suu Kyi a sacrifié sa vie de famille à son combat politique. Elle avait notamment renoncé à assister aux funérailles de son mari en 1999, et ne voyait que très épisodiquement ses deux enfants, Kim et Alexander.