Pour la première fois, et ce quinze mois après le début du soulèvement contre le régime de Damas qui a fait 14 000 morts à ce jour selon l'OSDH, un haut responsable des Nations unies a déclaré que la Syrie était en état de guerre civile.
AFP - Le chef des opérations de maintien de la paix de l'ONU, Hervé Ladsous, a fait état mardi d'une situation de guerre civile en Syrie, où les combats entre forces gouvernementales et insurgés, et les bombardements sur les fiefs rebelles redoublent d'intensité.
Pour le huitième jour consécutif, les forces du régime ont pilonné la ville de Haffé (nord-ouest), où les observateurs de l'ONU ont été empêchés de se rendre.
Interrogé par des journalistes pour savoir s'il pensait que la situation en Syrie avait atteint le stade de guerre civile, M. Ladsous a répondu: "Oui, je pense que nous pouvons le dire. Ce qui se passe, c'est que le gouvernement syrien a perdu au profit de l'opposition de grandes parties du territoire et plusieurs villes, et qu'il veut en reprendre le contrôle".
Selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), des centaines de rebelles de l'Armée syrienne libre (ASL, composée en majorité de déserteurs) se trouvent à Haffé, une localité considérée comme stratégique en raison de sa proximité avec Qardaha, ville natale du président Bachar al-Assad.
En huit jours de bombardements et de combats entre rebelles et forces gouvernementales, 120 personnes, dont 29 civils, y ont été tuées, selon l'OSDH. Pour la seule journée de mardi, des "dizaines de blessés, dont certains graves", ont été recensés.
"Les forces du régime se préparent à attaquer Haffé", a estimé le président de l'OSDH Rami Abdel Rahmane, alors qu'une militante sur place parlait de chars "aux portes de la ville", désertée par la majorité de ses 30.000 habitants.
Lundi, les Etats-Unis s'étaient dits inquiets que le régime ne prépare un nouveau massacre à Haffé et l'émissaire international Kofi Annan et le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon avaient réclamé un accès de l'ONU à la localité.
Une foule en colère contre les observateurs
La Mission de supervision de l'ONU en Syrie (Misnus) a indiqué dans un communiqué que ses observateurs avaient été empêchés mardi de se rendre à Haffé et avaient notamment essuyé des tirs.
Les observateurs "ont dû faire face à une foule en colère (...) les empêchant de poursuivre leur chemin. Cette foule, qui semble être composée d'habitants de la région, a lancé ensuite des pierres et des barres métalliques sur les voitures".
"Les observateurs ont rebroussé chemin. Trois des véhicules de l'ONU ont essuyé des tirs alors qu'ils se dirigeaient vers la région d'Idleb", plus au nord, ajoute le communiqué. L'ONU a précisé que la source des tirs n'était pas claire et que les observateurs étaient "sains et saufs".
Le président de l'OSDH, Rami Abdel Rahmane, avait indiqué plus tôt que les habitants du village de Chir, qui soutiennent le régime, avaient empêché les observateurs d'arriver à Haffé "en s'allongeant sur la route".
L'agence officielle Sana a affirmé de son côté que les observateurs avaient écrasé en voiture des habitants de Chir qui voulaient leur "raconter leurs souffrances provoquées par les groupes terroristes armés", faisant état de trois blessés.
Depuis le début de la révolte contre Bachar al-Assad en mars 2011, le régime refuse de reconnaître l'ampleur de la contestation et impute les violences à des "terroristes" soutenus par l'étranger.
Le ministère syrien des Affaires étrangères a accusé mardi Washington d'"encourager les groupes armés à commettre davantage de massacres, des (actes de) terrorisme" en Syrie.
La secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton a jugé de son côté "très difficile" de prolonger au-delà de juillet la mission de l'ONU en Syrie -- prévue dans le cadre du plan de l'émissaire Kofi Annan, resté jusqu'ici lettre morte, -- en raison de l'absence de progrès sur le terrain.
Mardi encore, 36 personnes, dont 24 civils, ont péri dans les violences. Dans la province de Homs (centre) notamment, les forces du régime ont lancé des attaques tuant au moins six civils.
Boucliers humains
Dans un rapport, l'ONU a dénoncé le gouvernement syrien comme l'un des pires sur sa liste annuelle "de la honte" des pays en conflit.
"J'ai rarement vu autant de brutalités contre les enfants qu'en Syrie, où les filles et les garçons sont emprisonnés, torturés, exécutés et utilisés comme boucliers humains" dans la guerre contre les rebelles, a dit Radhika Coomaraswamy, représentante de l'ONU pour les enfants dans les conflits armés.
Selon Human Rights Watch, au moins 1.176 enfants ont été tués depuis le début de la révolte. Et selon l'OSDH, plus de 14.100 personnes ont péri depuis cette même date.
Médecins sans frontières (MSF) a jugé de son côté "insuffisant" l'accord humanitaire entre la Syrie et l'ONU permettant à certaines ONG d'agir sur le terrain et réclamé que des ONG spécialisées dans l'urgence médicale, comme elle, puissent intervenir.
Le Conseil national syrien (CNS), principale coalition de l'opposition, a appelé à des manifestations mercredi devant les ambassades et représentations russes dans le monde pour protester contre le soutien à Damas de la Russie, qui a bloqué avec la Chine deux résolutions à l'ONU pour condamner la répression menée par le régime.
Le même jour, le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov est attendu en Iran, un autre allié des autorités syriennes accusé de leur fournir armes et expertise pour la répression.
La France a confirmé pour sa part des contacts franco-russes mercredi pour tenter de trouver une issue diplomatique à la crise.