
Le gouvernement a remplacé les patrons de la Direction générale de la police nationale, de la préfecture de police de Paris et de la Direction centrale du renseignement intérieur, considérés comme proches de l'ex-président Nicolas Sarkozy.
Ce ne sera pas "une valse", a promis François Hollande, mais ça a tout de même des allures de ménage de printemps. Les premières têtes de pont de la présidence Sarkozy sont tombées et trois hauts fonctionnaires de la police viennent de faire les frais de l’alternance. L’actuel préfet de police de Paris, Michel Gaudin, 63 ans, a cédé son bureau de l’île de la Cité à Bernard Boucault, ancien directeur de la prestigieuse École nationale d'administration (ENA) et proche de l'actuel secrétaire général de l'Élysée, Pierre-René Lemas. Ce proche de Nicolas Sarkozy n’avait plus que quelques mois à tenir avant la retraite. Mais ce scénario n’a pas été retenu par le gouvernement.
De même, Frédéric Péchenard et Bernard Squarcini, respectivement patrons de la Direction générale de la police nationale (DGPN) et de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), également proches de l'ex-président, sont remplacés par Claude Baland et Patrick Calvar.
Chasse aux sorcières ?
Ces remplacements sont-ils une conséquence logique de l'alternance politique au sommet de l'État, ou bien s'agit-il d'une chasse aux sorcières ? Les avis divergent.
"C'est la vie naturelle des administrations de se renouveler régulièrement", a déclaré la porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem, lors du compte rendu du Conseil des ministres de ce mercredi 30 mai. "C'est normal d'avoir des directeurs qui soient prêts à conduire chacune des nouveautés, en particulier l'arrêt de la politique du chiffre."
L’ancien ministre de l’Intérieur, Claude Guéant, a lui-même expliqué sur BFMTV, mardi, que, "sur le plan du principe, il n'y a rien à redire. Il est clair que ces emplois sont à la discrétion du gouvernement et, juridiquement, le gouvernement peut changer les titulaires".
Tous ne l’entendent pourtant pas de cette oreille. Ces trois responsables policiers sont des proches de Nicolas Sarkozy et paient clairement "leur proximité avec l'ancien chef de l'État", a estimé un haut responsable de la police contacté par l’AFP. Du côté de l’UMP, les réactions ne se sont pas fait attendre : le député Éric Raoult a dénoncé dès mardi "le sectarisme du gouvernement Hollande qui s’apparente à une chasse aux sorcières", tandis que la sénatrice de Paris Chantal Jouanno écrivait sur Twitter : "Virer un préfet de police à deux semaines des élections législatives pour le remplacer par un proche du gvt. République exemplaire ?? [sic]".
Le chef de l’État, qui avait déjà dénoncé pendant la campagne "un État UMP" et "un vrai système en place au niveau du ministère de l’Intérieur", a balayé cette accusation lors de son entretien sur France 2, mardi 29 mai. Assurant que les départs dans la police s’arrêteraient là, il a précisé par ailleurs que les trois hommes seraient remplacés "non par des proches, des intimes, des obligés, mais par des hauts fonctionnaires de qualité [...] reconnus pour leur qualité et non des proches du pouvoir".
Gaudin, fidèle sarkozyste
Il est peu de dire que ces hommes étaient des proches de l’ex-président Sarkozy. Péchenard est en effet l'un de ses amis d’enfance, et Michel Gaudin, lui, ne se cachait pas de son amitié avec ce dernier.
Énarque né en 1948 dans la Nièvre, ce dernier a d'ailleurs croisé à maintes reprises, au cours de sa carrière, la trajectoire de son "ami". Dans les Hauts-de-Seine d’abord, où Gaudin occupe plusieurs fonctions au sein de la direction générale des services du département, de 1988 à 1993, alors que Nicolas Sarkozy est maire de Neuilly. En 2002 ensuite, lorsque ce dernier devient ministre de l'Intérieur et nomme Michel Gaudin directeur général de la police nationale. En mai 2007 enfin, quelques jours seulement après la prise de fonction de Nicolas Sarkozy à la présidence de la République, il est affecté à la Préfecture de police de Paris (PP) où il est resté jusqu’à ce jour. ll devient alors les yeux et les oreilles du président dans la capitale.
En octobre 2011, Valérie Trierweiler, compagne du candidat Hollande à la présidence, porte plainte contre X à la suite d'un article de l'Express faisant état d'une enquête policière la concernant. La préfecture de police avait fermement démenti, tandis que le ministre de l'Intérieur, Claude Guéant, avait, lui, porté plainte pour diffamation et diffusion de fausses nouvelles. L'affaire a finalement été classée sans suite.
Deux mois plus tard, Michel Gaudin est auditionné dans un volet connexe d'une enquête visant l’Inspection générale des services (IGS, la police des polices parisienne) pour avoir pris connaissance d'éléments judiciaires couverts par le secret de l'instruction dans le cadre d'une procédure de suspension de quatre fonctionnaires, finalement blanchis.
Pechenard et Squarcini, plombés par l’affaire des fadettes
Les limogeages de Bernard Squarcini et de Frédéric Péchenard n'ont rien d'une surprise non plus. Les deux hommes avaient été très critiqués par la gauche lors de l'affaire Woerth-Bettencourt.
Squarcini, proche de Nicolas Sarkozy depuis 2002 et aux manettes lors de l’arrestation d’Yvan Colonna, l'assassin présumé du préfet de Corse Claude Érignac, en 2003, a été mis en cause dans l’affaire dites des "fadettes" du quotidien Le Monde. En septembre 2010, après la plainte déposée par le journal pour violation du secret des sources dans l’affaire Woerth-Bettencourt, il a indiqué que ses services étaient effectivement intervenus. Il a été mis en examen en octobre 2011 pour "atteinte au secret des correspondances", "collecte illicite de données" et "recel du secret professionnel". Frédéric Péchenard avait été auditionné dans la même affaire.
Frédéric Péchenard a hérité de la délégation à la sécurité routière et Squarcini nommé préfet hors cadre. Michel Gaudin devient, lui, conseiller d’État en service extraordinaire. Il lui faudra donc attendre encore quatre ans, tout au plus, avant d’aller "pêcher en Sologne", comme il en rêvait pour sa retraite.