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La directrice du FMI, Christine Lagarde, a mis le feu aux poudres en exhortant les Grecs à tous payer leurs impôts. Une déclaration qui pointe la fraude généralisée dans le pays, à laquelle s’ajoute une législation peu stricte pour les hauts revenus.

"Moi, je suis architecte et je suis employée par l’État donc je paie mes impôts. En revanche, si j’étais indépendante, ce serait très facile pour moi de frauder," confie Aggeliki Galati. Selon cette Grecque de 39 ans, ceux qui fraudent sont ceux qui ont beaucoup d’argent, ceux-là mêmes que le gouvernement ne contrôle pas, ou si peu.

Alors que la directrice du Fonds monétaire international (FMI), la Française Christine Lagarde, a créé la polémique en déclarant dans les colonnes du "Guardian" que "les Grecs devraient commencer par s'entraider collectivement", et ce, en "payant tous leurs impôts", certains Grecs estiment, eux, que la législation en matière fiscale doit être remise en cause.

"Mme Lagarde a tout confondu"

Alexis Tsipras, chef du parti de gauche radicale Syriza, s’est empressé de répondre à l’accusation en affirmant que "les travailleurs grecs paient leurs impôts" qui sont très lourds et même "insupportables".

Sans nier la fraude, le Grec Kostas Vergopoulos, professeur d’économie à l’université Paris-VIII, pointe du doigt une législation unique en Europe. "Si la Grèce avait un système d’imposition performant, autant que la moyenne de la zone euro, les recettes seraient le double de ce qu’elles sont", explique-t-il. La fraude fiscale représenterait un manque à gagner estimé entre 20 et 30 % du PIB de la Grèce. Un chiffre alarmant pour une économie dont la crise est la plus grave de la zone euro.

Cependant, selon Kostas Vergopoulos, cette fraude est souvent légale. La Grèce connaît un système d’imposition à deux vitesses : d’une part les salariés, dont l’impôt est prélevé à la source. D’autre part les hauts revenus - chefs d’entreprise, professions libérales -, qui doivent déclarer leurs revenus mais ne sont pas soumis à un contrôle strict. Majoritairement, ce sont ces derniers qui se soustraient à leur devoir fiscal, sans être inquiétés.

"Mme Lagarde a tout confondu, les gens qui ne payent pas d’impôts ne commettent pas forcément de fraude. La législation actuelle encourage les grands capitaux à rester dans le pays, en les épargnant. En revanche, on continue de taxer les bas revenus et les retraités, s’indigne le professeur. Le problème est que l’imposition n’a pas été modifiée depuis le début de la crise." Et de pointer une anomalie du système, selon lui : l’exemption d’impôts dont bénéficient l’Eglise orthodoxe et les armateurs. "Il faut abolir ces exemptions", martèle-t-il.

La fraude fiscale, spécialité grecque ?

Si l'exercice de se soustraire au devoir fiscal existe dans de nombreux pays, il remporte un succès tout particulier dans la péninsule hellénique. En septembre 2011, une liste, émise par le ministère du Budget grec, d’environ 6000 entreprises – dont des clubs de football et la société de chemins de fer - devant plus de 150 000 euros à l’Etat avait vu le jour, tandis qu’un rapport du Sénat révélait que 55 % des ménages ne payaient pas d’impôts, en raison de ressources insuffisantes ou d’entorses à la loi fiscale.

Selon Constantinos Bacouris, responsable de l’ONG Transparency International en Grèce, le problème n’est pas nouveau dans le pays et le clientélisme qui gangrène la société en est la cause. "Le problème de fraude et de l’évasion fiscale est majeur en Grèce. Ces trente dernières années, les dirigeants politiques ont fait preuve de laxisme, tout ce qu’ils voulaient c’était assurer leur réélection," déplore-t-il.

Touché de plein fouet par la crise, le gouvernement a néanmoins engagé une chasse à la fraude depuis 2009, allant jusqu’à traquer les signes extérieurs de richesse de ses concitoyens. Autre changement notable, le système de déclaration d’impôts, jusque-là archaïque, a récemment été modernisé et simplifié : les longues files d’attente au bureau des impôts ont ainsi laissé place à un système informatisé.