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Présidence de l’UMP : Copé et Fillon à couteaux tirés

La guerre des chefs de l’UMP aura bien lieu. En remettant en cause le leadership de Jean-François Copé, l’ancien Premier ministre François Fillon a ouvert la bataille pour la présidence du parti avant même les élections législatives.

La guerre larvée au sommet de l’UMP a fini par éclater au grand jour. À moins de trois semaines du premier tour des législatives qui s’annoncent difficiles pour la droite, François Fillon et Jean-François Copé ont déterré la hache de guerre en vue du contrôle de leur formation politique. 

"Quelle hypocrisie enfin !"
C’est l’ancien Premier ministre qui a ouvert les hostilités en déclarant, lors d’un entretien au Figaro Magazine à paraître vendredi 25 mai, que l'UMP n'avait plus de "leader naturel" depuis la défaite de l’ancien président Nicolas Sarkozy. "Il y aura une compétition" pour la présidence de l'UMP, avance François Fillon. Et pour lever les derniers doutes sur ses ambitions, il précise: "Je prendrai toute ma part avec d'autres, à cette compétition". Si son nom n’a pas été cité, l’actuel secrétaire général de l’UMP ne pouvait que se sentir visé par l’attaque implicite de l’ancien locataire de Matignon. En déplacement électoral en Alsace le 23 mai, Jean-François Copé a d’ailleurs répliqué en réponse à des journalistes venus l’interroger sur les propos de François Fillon. "Vraiment, j'invite tous mes amis, toutes générations confondues, toutes sensibilités confondues à l'UMP à suivre ce chemin de la sagesse qui consiste à ne se mobiliser que dans la perspective des élections législatives", laissant sous-entendre que l’heure de la guerre des chefs n’avait pas encore sonné.
Jeudi matin, le ton est encore monté d'un cran entre les deux protagonistes. "Quelle hypocrisie enfin !", s'est exclamé sur les ondes de RTL l'ancien Premier ministre, candidat UMP dans la 2e circonscription de Paris, comme on lui rappelait la réponse de son rival appelant à la sagesse. "Jean-François Copé fait parfaitement son travail mais il ne peut prétendre être le leader de cette formation sans qu'il y ait eu un débat démocratique et que les militants se soient prononcés", a-t-il encore ajouté.
Sur Europe 1, le député-maire de Meaux a pour sa part assuré ne pas se sentir visé par cette offensive. "Je ne crois pas que cela me soit adressé, a-t-il sèchement riposté. Chacun ses mots, les miens sont des mots positifs pour ce qui concerne mes amis et ma famille politique". Si ce duel fratricide pour le contrôle de l'UMP était attendu et annoncé, il devait, de l’avis des experts de l’arène politique française, n'intervenir au plus tôt qu'au lendemain des législatives. "C'est très, très mauvais pour l'UMP, ça peut avoir un effet démobilisateur sur une partie de son électorat, on ne peut pas exclure non plus qu'une partie de ses électeurs puisse aller sur un vote Front national", juge Dominique Reynié, qui dirige la Fondation pour l'innovation politique, interrogé par l’AFP.
Juppé : "la priorité des priorités, c'est l'unité"
Sans surprise, cette passe d’armes publique n’a pas tardé à provoquer une cascade de réactions du côté de l’UMP. L'ancien ministre des Affaires étrangères Alain Juppé, également pressenti pour briguer la tête de l’UMP, a lancé jeudi 23 mai un appel à l'unité. "J'espère qu'il s'agit simplement de paroles malencontreuses", a-t-il déclaré à des journalistes à Bordeaux, ville dont il est maire. "Nous sommes engagés dans une bataille législative qui peut nous conduire à la victoire, la condition de cette victoire c'est bien sûr d'être rassemblés", a-t-il dit avant de souligner que la priorité des priorités était l'unité. Un autre ténor du parti, l’ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin a commenté la polémique sur son compte Twitter. "L'annonce d'une compétition à l'UMP est inopportune. Le temps des ambitions personnelles n'est pas venu. Priorité au collectif", a-t-il écrit.
Mais certains membres de l’UMP ont explicitement attaqué la nature et le timing de cette sortie musclée de François Fillon. Très remonté, le député de Paris Bernard Debré trouve "ridicule, lamentable et dangereux" cette guerre des chefs. "J'ai dit à Fillon : "François, il faut fermer sa gueule (...) Fillon n'est pas plus leader naturel que Copé", a-t-il assuré sur Sud Radio. L’ancienne garde des Sceaux Rachida Dati, dont l’inimitié envers François Fillon est de notoriété publique, fut l’une des premières à lancer la contre-offensive. Invitée sur BFMTV, elle a jugé les déclarations de Fillon "désagréables et très déloyales vis-à-vis de Jean-François Copé", qui "est le chef de l'UMP, qui a mobilisé pour la campagne présidentielle de manière très acharnée".
Acharnée, la bataille pour le contrôle de l’UMP le sera. Jusqu’ici l'ex-Premier ministre reste plus populaire que son rival, recueillant la préférence de 27 % des Français pour diriger la formation fondée en 2002, devant Alain Juppé (20 %) et Jean-François Copé (13 %), selon un sondage Ifop pour Sud Ouest publié le 12 mai. Toutefois, ce ne sont pas les Français qui trancheront mais les adhérents de l’UMP. Selon les statuts du parti, le congrès qui doit élire son nouveau président doit intervenir entre le 15 septembre et le 15 novembre.
Pendant ce temps au Parti socialiste, le ton est à l’ironie. "Dès qu’ils perdent, ils s’entretuent, cela aurait était un miracle que cette guerre des chefs ne se déclenche qu’après les législatives, c’est dans leur nature de se bouffer le nez", commente François Loncle, député PS de l’Eure, contacté par FRANCE 24. Et de conclure : "Cela ne change rien pour nous, nous sommes concentrés sur les législatives, même s’il est amusant de compter les points dans le camp d’en face".