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Hollande désigne Pékin comme "l'adversaire" économique de l'Europe

Pendant sa campagne, François Hollande s’est positionné par rapport à la Chine, laissant entendre qu'il voulait s’attaquer frontalement à l’hégémonie économique du pays : "Le problème, il est chinois", a-t-il déclaré dans un ouvrage paru jeudi.

Alors que l’attention de la presse et des analystes économiques s’est concentrée, depuis l’élection de François Hollande, sur l’évolution des relations entre l’Allemagne et la France, le président élu semble avoir une autre nation en ligne de mire. Un pays plus éloigné, plus important dans le cadre de l’économie mondiale et qui, selon le président élu, serait "l’adversaire" principal de l’Union européenne : la Chine.

La politique économique et monétaire de Pékin, maintes fois critiquée par les Etats-Unis et l’UE par le passé, sera certainement abordée lors du sommet du G8, aux Etats-Unis, les 18 et 19 mai prochain. Le président François Hollande pourra alors mesurer à quel point la question du rôle de la Chine dans l’économie mondiale est épineuse.

La question de la Chine abordée de front

Durant sa campagne, François Hollande a pourtant choisi de l’aborder frontalement. D’après les propos relatés par le journaliste Eric Dupin dans son livre paru le 10 mai, "La victoire empoisonnée" *, le candidat socialiste n’y va pas par quatre chemins : "La crise européenne doit être l’occasion de remises en cause bien plus profondes", commence-t-il. Et de poursuivre : "Je suis arrivé à un moment où je pense qu'il faut nommer l'adversaire. Je l'avais fait pour la finance. Il faudra le faire pour les Chinois. Le problème, il est chinois. Ils trichent sur tout : sur la monnaie, en matière de recherche."

Des propos qui sonnent comme une condamnation partiale, mais qui sont certifiés conforme par le journaliste : ils ont été tenus lors d’un déjeuner avec le candidat, à micro ouvert, et avec l’accord que le livre serait publié une fois l’élection présidentielle passée, précise Eric Dupin sur le site d'Arrêt sur Images.

S’adressant à la chaîne de télévision shanghaienne SMG durant sa campagne électorale, François Hollande ne cachait pas sa volonté de faire bouger les lignes commerciales entre l’Europe et Pékin : "Nous vivons une situation déséquilibrée. Il y a un déficit commercial au profit de la Chine [pour les quatre premiers mois de l'année 2012, le pays, premier exportateur mondial, a enregistré un excédent de 19,3 milliards de dollars, NDLR], ce qui prouve la qualité des produits chinois et leur compétitivité. Mais cela suppose que l’on puisse en parler. Il faut voir comment rééquilibrer, avoir davantage de réciprocité et des investissements dans les deux sens. Quand on a un excédent commercial, la logique économique veut que la monnaie se réévalue."

La diplomatie asiatique au premier plan

Le futur président français est inconnu à Pékin, où il ne s’est jamais rendu. La Chine fait partie de ses destinations prioritaires, à présent, en dépit d’un premier abord difficile lors de la campagne. En février dernier, Laurent Fabius, ancien Premier ministre missionné par François Hollande, avait cherché à nouer des premiers contacts à Pékin. Mais constatant qu’aucun des hauts dirigeants chinois ne souhaitait le rencontrer, il avait dû écourter sa visite.

Ces réticences ont été oubliées dès le lendemain du scrutin du 6 mai, quand l’ambassadeur chinois à Paris, Kong Quan, a passé une heure au QG du candidat élu, encourageant la France à nouer "des relations fortes" avec la Chine. Signe avant-coureur que Pékin figurera parmi les priorités de François Hollande, ce dernier a choisi un diplomate spécialiste de l'Asie, Paul Jean-Ortiz, comme principal conseiller en affaires internationales. Bilingue (français et mandarin), il est l’un des meilleurs connaisseurs de la civilisation chinoise au Quai d'Orsay et a effectué l'essentiel de sa carrière en Asie.

Reste à convaincre les partenaires européens de tirer dans le même sens que François Hollande. Le président français avoue que ce sera sa première tâche, et pas la moins ardue. "Il faudra ouvrir le conflit en ayant le soutien d'un certain nombre de pays européens. Là aussi, c’est compliqué. Les Allemands ont quand même beaucoup d’intérêts en Chine, d’autres pays moins", déclarait-il lors de son entretien avec Eric Dupin.

Engluée dans une crise de la dette, l’Union européenne est actuellement en position de faiblesse face à la Chine. Pékin propose de venir en aide au Vieux Continent si, en échange, plusieurs enquêtes antidumping et anti-subventions lancées par l’UE sont abandonnées. Des premiers pas ont été accomplis par la Chine, qui a apporté son soutien, verbal pour le moment, au Fonds de soutien européen (FESF). François Hollande s'était fermement opposé, en octobre dernier, à une contribution chinoise : "Il s'agit là d'une dépendance de fait qui traduit un aveu de faiblesse." Il aurait préféré des euro-obligations qui auraient "permis à l'Europe de prendre en main son destin, plutôt que de le confier à d'autres".

* aux Editions du Seuil