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Le Truvada, un "outil supplémentaire" pour lutter contre le virus du sida

Un premier traitement préventif contre le sida, le Truvada, pourrait rapidement arriver sur le marché américain. Une perspective saluée par le professeur Willy Rozenbaum alors que des associations redoutent l'abandon du préservatif.

La lutte contre le sida pourrait connaître un tournant décisif le 15 juin prochain, jour où l’Agence américaine des médicaments (Food and Drug Administration, FDA) devrait autoriser la mise sur le marché du Truvada. Un comité d’experts indépendants a en effet validé, jeudi 10 mai, la commercialisation de cette combinaison de deux anti-rétroviraux, dont l’efficacité a été mise en évidence lors d'un essai clinique mené dans six pays de juillet 2007 à décembre 2009.

Un médicament qui diminue le risque de contamination

Les résulats de cette vaste expérimentation indiquent que le risque de contamination par le VIH est réduit en moyenne de 42 % avec le Truvada. S’il est autorisé par la FDA, le médicament deviendrait le premier traitement préventif contre le sida en s'adressant à la fois aux personnes séronégatives et aux porteurs du VIH.

Interrogé par FRANCE 24, le président du Conseil national du sida, Willy Rozenbaum, se félicite de cette “annonce attendue”, qui valide l’existence “d’un outil supplémentaire dans le panel de moyens qui existe aujourd’hui pour éviter la transmission du virus”. “Les études ont démontré qu’un traitement pris par des personnes non contaminées, en association avec d’autres méthodes de prévention, diminue le risque de contamination”, s’enthousiame celui qui a fait parti de l’équipe ayant identifié le virus du sida au début des années 1980. “Le traitement pourra notamment être utilisé par des personnes porteuses du virus afin d’éviter de le transmettre à autrui et notammment au sein des couples sérodifférents [un individu contaminé, l’autre non ndlr] et chez les femmes enceintes contaminées”, explique-t-il.

Risque d’abandon du préservatif

Mais l’annonce de cette avancée scientifique majeure a pourtant été fraîchement accueillie par plusieurs associations de lutte contre le sida, notamment en France.

Ainsi, loin de se réjouir, le président de l’ASIGP-VIH, (Association de suivi et d'information des gays sur la prévention du VIH), Stéphane Minouflet, qualifie de “catastrophique” une éventuelle mise sur le marché du Truvada. “Après des années de combat pour éduquer la population à se protéger, ce médicament va les pousser à abandonner le préservatif”, déplore-t-il.

Fort de son expérience au sein de la communauté gay de Paris, il estime que de nombreuses personnes sont susceptibles de faire du médicament leur unique moyen de prévention. “Déjà aujourd’hui, les porteurs du VIH sous trithérapie qui se savent peu 'contaminantes' tendent à ne plus mettre de préservatif”, renchérit-il.

Aux États-Unis, des professionnels de santé se sont par ailleurs inquiétés du non-respect de la posologie par les patients. En effet, pour être efficace, le médicament doit être pris quotidiennement. Une occurrence rare, selon ceux qui ont suivi des patients pendant les phases de test.

”Plus il y a d’outils, mieux c’est”

Willy Rozenbaum refuse, lui, d’opposer les traitements à visée préventive aux modes de prévention plus classiques et veut croire que “le préservatif ne perdra pas sa place” avec l’arrivée du Truvada, notamment en raison de la lourdeur du traitement. “Prendre ce médicament ne sera pas une démarche facile, cela nécessite un dépistage au préalable, puis une médicalisation et des prises de sang régulières”, explique-t-il.

S’il a conscience des risques inhérents à l’arrivée sur le marché de ce que certains peuvent considérer comme un “médicament miracle”, il souhaite la poursuite du programme Truvada, au nom du but que se sont fixés les chercheurs spécialisés : la diminution du risque d’être infecté par le VIH. ”Plus il y a d’outils, mieux c’est”, résume-t-il.