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François Hollande, le "candidat normal" devenu président

Il y a quelques mois encore, personne n'aurait parié sur lui. Pourtant, la détermination de François Hollande a payé. Acquise dimanche 6 mai, sa victoire à la présidentielle confirme sa nouvelle envergure. Portrait.

François Hollande est devenu, dimanche 6 mai, le septième président de la Ve République. Une victoire aux allures de revanche pour celui qui n’a eu que tardivement le statut de favori. À 57 ans, le député de Corrèze vit le couronnement d’une carrière politique qui, bien que vieille de 30 ans, a en grande partie été menée en coulisses.

De fait, rares sont ceux qui auraient cru il y a quelques mois encore à cet heureux dénouement. En avril 2011, l’ancien Premier ministre socialiste Laurent Fabius raillait : "Vous imaginez Hollande président ? On rêve !". D’autres rivalisent de surnoms moqueurs pour qualifier l’ancien Premier secrétaire du Parti socialiste (PS). On retiendra " Flanby " pour son caractère supposé mou.

Son ambition et sa détermination ne faisaient pourtant pas de doute pour sa mère, disparue il y a quatre ans. "Il nous disait quelque chose qui nous faisait toujours rire : 'Quand je serai grand, je serai président'" , confiait-elle au journaliste Serge Raffy, le biographe du nouveau chef de l'État, ajoutant, tendrement moqueuse : "On n’y croyait pas, et on n’y croit toujours pas du tout".

Le témoignage des proches de François Hollande confirme une certaine ambition cachée. Ainsi, pour son ami de longue date Michel Sapin, rencontré sur les bancs de l’Ecole nationale d'administration (ENA), la principale qualité du nouveau président français est bien la "ténacité". "Ses détracteurs commettent tous la même faute : ils le sous-estiment", résume pour sa part Serge Raffy.

La voie royale

Issu d’un milieu favorisé, François Hollande est né à Rouen en août 1954 d’un père médecin flirtant avec l’extrême droite et d’une mère assistante sociale, de gauche. Il grandit à Bois-Guillaume, une ville cossue du département de Seine-Maritime, où il fréquente un établissement catholique. Georges Hollande est un homme à poigne, qui ne s’embarrasse pas d’états d’âme, raconte Serge Raffy dans "François Hollande, Itinéraire secret", paru à la fin de 2011. Dans cet ouvrage, celui-ci relate notamment l’épisode d’un déménagement intempestif, décidé sur un coup de tête par Georges Hollande, qui mène la famille à Neuilly-sur-Seine. François et son frère Philippe n’ont pas le temps de préparer leurs affaires, une partie d'entre elles partiront à la décharge.

Pour ses études, le futur président choisit la voie royale : HEC, Sciences Po, puis l’ENA, dont il sort diplômé en 1980, en septième position. C’est dans cette dernière institution qu’il rencontre Ségolène Royal, qui fut sa compagne pendant près de trente ans et est la mère de ses quatre enfants.

Dans sa jeunesse, François Hollande milite au syndicat étudiant de gauche Unef, avant d'adhérer au PS en 1979.

Avec Ségolène Royal, ils démarrent ensemble dans la vie politique, d’abord comme conseillers de François Mitterrand à l’Élysée, dès 1981, puis comme députés.

"La Corrèze, c'est mes racines"

En 1981, François Hollande mène également sa première campagne électorale lors des législatives, dans la troisième circonscription de la Corrèze, défiant, à 27 ans, Jacques Chirac sur ses terres. Il est battu dès le premier tour.

Il doit s’y reprendre à trois fois avant de décrocher un siège de député, en 1988, où il est élu dans la première circonscription de Corrèze. Bien qu’il n’en soit pas originaire, François Hollande a voulu, dès ses débuts, s’ancrer dans cette terre du Limousin. "La Corrèze, c'est mes racines", avait d’ailleurs l’habitude de dire celui que les Corréziens ont adopté. Son goût prononcé pour le contact humain lui confère une image d’homme du peuple, de "candidat normal", comme il s’est souvent lui-même décrit. Un trait de caractère dont il fait un point fort durant sa campagne présidentielle : "J’aime les gens quand d’autres sont fascinés par l’argent", déclare-t-il lors de son premier grand meeting au Bourget, le 22 janvier dernier.

Le chef de parti

François Hollande n'a jamais été ministre, alors que son ancienne compagne décroche son premier poste dans l’exécutif en 1992 comme titulaire du portefeuille de l’Environnement. Il gravit néanmoins sans bruit les échelons du PS, dont il finit par prendre la tête en 1997, quand Lionel Jospin, l’homme fort du parti, est appelé à Matignon et lui confie les rênes de la maison socialiste. Il sera l’homme de la "synthèse", à qui on demandera de fédérer les divers courants de gauche.

La présidentielle de 2002, véritable débâcle pour le PS, voit le Front national qualifier pour le second tour de scrutin et le retrait de Lionel Jospin, arrivé en troisième position derrière Jacques Chirac et Jean-Marie Le Pen, se retirer de la vie politique. Incombe alors à François Hollande la lourde tâche de tourner la page et de relancer un PS traumatisé. Mission accomplie deux ans plus tard : aux régionales et aux européennes de 2004, une vague rose déferle sur la France.

La traversée du désert

Quasi-absent de la primaire socialiste de 2007, il s’efface alors que Ségolène Royal brigue la candidature. On apprendra après sa défaite contre Nicolas Sarkozy, en mai 2007, que le couple n’en était plus vraiment un.

Le Congrès de Reims, à la fin de 2008, voit les divisions du parti éclater au grand jour. À son arrivée, Martine Aubry, désignée pour lui succéder au poste de Premier secrétaire, compare le PS à un "cadavre à la renverse". Le bilan de François Hollande à la tête du parti est durement critiqué. On lui reproche notamment l’échec de 2007 et la désunion des socialistes.

Commence alors pour le député de Corrèze une traversée du désert. Durant cette période, épaulé par sa nouvelle compagne, la journaliste politique Valérie Trierweiler, il se concentre sur un nouvel objectif : l'élection présidentielle de 2012.

Avec ses plus fidèles amis, notamment Michel Sapin, Stéphane le Foll, André Vallini ou Faouzi Lamdaoui, il prépare un projet basé sur la justice fiscale et l’éducation.

En juin 2009, il apparaît à Lorient, délesté d’une dizaine de kilos, et prononce son premier discours de candidat à la primaire socialiste. Malgré les sondages qui donnent Dominique Strauss-Kahn favori, il ne renonce pas et confirme son entrée dans la course à l'investiture, fin mars 2011, à Tulle.

Mai 2011, le favori c’est lui

Deux mois plus tard, le scandale du Sofitel et les déboires judiciaires de Dominique Strauss-Kahn propulsent celui qui n'occupait jusqu'alors qu’une position d'outsider en position de favori. Une place gagnée sans fracas qu’il ne quittera plus.

François Hollande fait campagne jusqu'à la primaire, qu'il remporte haut la main le 16 octobre, avec plus de 56 % des voix, face à Martine Aubry. Dès lors commence la course à l’Elysée contre Nicolas Sarkozy. Elle s’est achevée place de la Bastille, dimanche 6 mai, où des milliers de personnes acclament le nouveau président entouré par les ténors du Parti socialiste.

"Tous ceux qui m'ont sous-estimé ont perdu" : cette seule formule esquisse le portrait de François Hollande, passé en moins d'un an du statut d'aspirant candidat à l'Élysée à deuxième président socialiste de la Ve République.