La victoire du candidat socialiste à l’élection présidentielle française est une possibilité qui inquiète toujours quelques irréductibles médias anglo-saxons. Même s'ils sont de moins en moins nombreux...
La possibilité d’une île socialiste au milieu d’une Europe qui penche plutôt à droite s’impose petit à petit au delà des frontières françaises. Il y a d'abord eu la prestation de François Hollande - “qui a su parler comme un président”, selon le quotidien économique allemand Handelsblatt - lors du débat du 2 mai avec Nicolas Sarkozy. Puis le ralliement à Hollande du candidat centriste François Bayrou. Deux électrochocs qui ont, pour la presse internationale, renforcé l’idée qu'un candidat du Parti socialiste pourrait succéder à Nicolas Sarkozy, à l'issue du second tour de la présidentielle dimanche 6 mai.
Une élection potentielle que certains appellent de leurs vœux, à l'exemple de l’éditorialiste économique vedette du New York Times et prix Nobel d’économie 2008, Paul Krugman. “Au moins il y a une chance avec François Hollande de sortir de la logique d’orthodoxie économique et de rigueur qui domine en Europe”, affirme cet économiste, marqué à gauche.
L’Allemagne, où règne cette "orthodoxie économique" et budgétaire, pourrait s'inquiéter d'une France qui virerait au rose. À plusieurs reprises, le candidat socialiste a vertement critiqué la politique de rigueur que défend la chancelière allemande Angela Merkel. Pourtant, les éditorialistes ne croient pas - ou plus - à une implosion du couple franco-allemand. “Le gouvernement Merkel n’a plus peur de Hollande”, croit ainsi savoir le quotidien de centre-gauche Sueddeutsche Zeitung. Le journal met ce changement d'attitude sur le compte d’une prise de conscience, à Berlin, du caractère “pragmatique” de François Hollande. Le candidat socialiste pourrait même, d’après la Sueddeutsche Zeitung, ouvrir une nouvelle ère “plus équilibrée” dans les relations franco-allemande, ce qui serait au final “une bonne chose pour l’écomie européenne”.
Même le quotidien Handelsblatt, pourtant proche des milieux financiers, ne croit pas en une implosion du couple franco-allemand en cas de victoire de la gauche. “Angela Merkel a eu le temps de se préparer à une élection du candidat socialiste”, juge le journal de Francfort. Pour ce dernier, “Berlin et Paris trouveront un terrain d’entente, et c’est tout ce qui compte aux yeux des marchés”.
Même au cœur de la City londonienne, berceau de la finance triomphante honnie par François Hollande, l’inquiétude n’est plus de mise. Le très City-compatible Financial Times (FT) appelle ainsi, dans un article daté du 3 mai, à "cesser d’agiter le spectre d’une nouvelle révolution française”. Pour le quotidien britannique, bon nombre d’éditorialistes qui craignent encore l’arrivée de François Hollande à la tête de l'État français “oublient de dire que le candidat socialiste s’est engagé à atteindre l’équilibre budgétaire en 2017”.
Un candidat dangereux ?
Parmi les journaux qui continuent de redouter l'élection d'un président français de gauche, il y a... le Financial Times. Dans un bel exercice de schizophrénie éditorial, le FT appréhende, toujours dans son édition du 3 mai, un “retour à une exception française économique qui avait échoué sous François Mitterrand”. Le Financial Times estime que le pacte de croissance voulue par François Hollande se heurtera à la "réalité des marchés au même titre que la politique de relance économique de 1981 avait échoué car la France était le seul pays européen à parier sur la relance”.
Mais l’opposition la plus farouche à François Hollande est
venue de The Economist, la bible anglo-saxonne des milieux financiers et de la pensée libérale. Dans son numéro du 28 avril, il y qualifie le candidat socialiste de “dangereux” pour l’économie européenne. Cependant, derrière ce titre provocateur, l’influent hebdomadaire se montre plus mesuré. Il appelle certe à voter pour Nicolas Sarkozy, mais soutient également l’appel lancé par le candidat socialiste pour un pacte de croissance au niveau européen.
Sans prendre aussi clairement position que son co-religionnaire libéral britannique, le Wall Street Journal new-yorkais a toutefois ouvert grand ses colonnes à l’appel de 21 économistes français estimant qu’il y a “un problème avec Hollande”. Cette tribune contre un “programme économique démagogique et destructeur”, publiée une première fois le 3 mai sur le site conservateur français Atlantico.fr, affirme que François Hollande est “un ennemi de la liberté économique”.