Le président du MoDem, François Bayrou, a annoncé qu'il voterait pour le candidat socialiste au second tour de l'élection présidentielle. Il s'est cependant gardé de donner une consigne de vote à ses partisans, les appelant à choisir "en conscience".
AFP - En annonçant jeudi qu'il voterait François Hollande au second tour de la présidentielle au nom de ses valeurs, François Bayrou a fait un choix historique qui rompt avec des décennies d'alliance entre le centre et la droite, avec des conséquences imprévisibles sur l'échiquier politique.
"Il est des moments dans l'histoire où l'engagement devient vital. Je crois que le moment est venu de franchir des pas décisifs", a expliqué François Bayrou lors d'une allocution au siège du MoDem.
Quelques instants plus tôt, cet héritier du parti de Valéry Giscard d'Estaing venait de briser un tabou en annonçant qu'il voterait personnellement pour François Hollande au second tour de la présidentielle tout en ne donnant aucune consigne de vote à ses électeurs.
itDepuis Toulouse où il tenait son dernier grand meeting de campagne, le candidat PS a salué dans la décision de François Bayrou "le choix d'homme libre indépendant", en précisant qu'il n'y avait eu "aucune négociation" avec le leader centriste. Ségolène Royal, à qui le soutien de M. Bayrou avait fait défaut en 2007 face à Nicolas Sarkozy, a salué "la prise d'indépendance" du centriste.
Les ténors de l'UMP, à l'instar de François Fillon et Jean-François Copé, ont exprimé leurs regrets, mettant la décision de M. Bayrou sur le compte "du dépit personnel".
Le président du MoDem s'est exprimé à l'issue d'une journée marathon de concertation, comité stratégique dans la matinée et conseil national dans l'aporès-midi.
Au lendemain du 1er tour, il avait annoncé qu'il prendrait "ses responsabilités", laissant entendre qu'il donnerait une indication claire à ses quelque 3,3 millions d'électeurs.
François Bayrou a justifié son choix au nom des valeurs humanistes que le centre défend depuis toujours et qui lui semblent aujourd'hui en contradiction avec les prises de position de M. Sarkozy.
"Après un bon score au premier tour, il s'est livré à une course-poursuite à l'extrême droite dans laquelle nous ne retrouvons pas nos valeurs", a-t-il expliqué en dénonçant son "obsession de l'immigration et des frontières", contraires notamment à l'idéal européen des centristes.
Cette ligne "est violente". Elle est "en contradiction avec nos valeurs, mais aussi celle du gaullisme autant que celles de la droite républicaine et sociale", a-t-il souligné
Sur François Hollande, François Bayrou n'a pas caché ses divergences sur son programme économique qu'il avait qualifié "d'insoutenable" durant la campagne du 1er tour.
"Mais je pense que devant cette crise inéluctable, il n'y aura qu'une attitude possible: une unité nationale (...) pour permettre au pays de se ressaisir", a-t-il expliqué, ajoutant que cette unité "ne se réalisera jamais si chacun reste dans la logique des camps anciens".
"Je ne suis pas un homme de gauche. Je suis un homme du centre et j'entends le rester", a-t-il souligné, en se disant "certain qu'il faudra le jour venu associer une partie de la droite républicaine à l'oeuvre de redressement de la France".
"Il appartiendra maintenant à François Hollande, s'il est élu, de réfléchir à la situation et de prendre en compte cette nécessité pour le pays", a-t-il affirmé en prévenant le candidat socialiste que, s'il en restait "à la gauche classique", il serait alors un opposant vigilant et constructif pour "empêcher les erreurs annoncées".
"C'est la dernière étape de la preuve de notre indépendance. Cela va créer un séisme susceptible de faire bouger les lignes", s'est félicité l'eurodéputé MoDem Robert Rochefort en se disant convaincu que François Hollande sera contraint "au réalisme économique".
"Nous sommes comptables de la reconstruction du pays. La crise qui est devant nous est suffisamment importante pour qu'on aille vers le plus grand rassemblement possible", a approuvé l'eurodéputé Jean-Luc Bennahmias.
La décision de M. Bayrou résulte d'une longue maturation de son parti issu de l'ex-UDF, engagée en juillet 2009 à Marseille lors des ateliers d'été du courant "L'Espoir à gauche" du socialiste Vincent Peillon.
Une photo symbolique avait alors réuni le député PS aux côtés de Marielle de Sarnez (MoDem), Robert Hue (PCF), Jean-Luc Bennahmias (MoDem) et Daniel Cohn-Bendit (EELV).
Mais la main tendue du MoDem, confirmée par François Bayrou lors des Universités d'été du parti en septembre de cette année-là, n'avait pas alors été saisie par le PS englué dans ses luttes de courants.
Jeudi matin, Hollande avait eu des mots agréables pour Bayrou, "une personnalité" pour laquelle il aura toujours de la "considération".