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Ils ont osé dire "adieu" à Dieu

Ils sont déjà 700 à avoir dit : "Ne comptez plus sur moi !" 700 catholiques argentins qui, comme León Ferrari (photo), ont fait acte d'apostasie auprès de l'Église où ils ont été baptisés, pour donner plus de poids à leurs convictions.

Dans son atelier de San Cristobal, León Ferrari n’en démord pas : "Le christianisme rend intolérant. Il n’accepte pas la différence. Et cela se retrouve dans toute l’Histoire de l’Occident. Les bûchers de Sodome, la tuerie des juifs ou, plus tard, l’extermination des Aborigènes, l’esclavagisme… Il faudra toujours châtier ceux qui ne croient pas. Et les arts, que ce soit la musique de Bach ou la peinture de Bosco, ont popularisé cette croyance. Moi, si j’admire l’esthétique, je ne cautionne pas l’éthique."


L’artiste de 89 ans, Lion d'or de la 52e Biennale de Venise, est connu pour son engagement contre l'Église catholique. Il avait fait polémique au début de 2007 en exposant dans un centre culturel de Buenos Aires un Christ crucifié sur une maquette d'avion. L'Eglise avait jugé cette œuvre blasphématoire. Cela n’a fait que redoubler son ardeur. Il a été le premier à soutenir la campagne d’apostasie collective, lancée ce mois-ci en Argentine.

"L'influence de l'Église est nocive"

A l’origine du mouvement, qui réunit des groupes féministes, homosexuels, athées et indépendants, la menace d’excommunication de tout catholique qui aurait soutenu une loi légalisant l’avortement en Uruguay. "L’influence qu’exerce l’Eglise sur les politiques de santé publique, d’éducation ou sur les lois reproductives est nocive, explique Paola Raffetta, l'une des coordinatrices de la campagne. Et elle se base sur des statistiques tronquées : près de 80 % des Argentins sont baptisés. Mais quelle valeur possèdent ces chiffres, alors qu'il y a encore peu, ici, on baptisait de force les conscrits au début du service militaire ?"


L’idée a donc surgi d’arrêter de soutenir l’Eglise de manière passive en demandant son retrait des registres de baptêmes. "Pour nous, il s’agit d’être cohérents avec nos idées", affirme la jeune artiste qui avait elle-même choisi d’être baptisée à l’âge de 9 ans.

"Une vraie séparation de l’Eglise et de l'Etat"


L’apostasie est un acte en théorie facile. Un courrier à l’archevêché et celui-ci doit se charger de mentionner votre renoncement public à la religion dans le registre de baptêmes. Mais en réalité, plusieurs mois passent avant qu'il soit pris en compte. "Ils ont même fait courir le bruit que c'était impossible, de peur de voir les cas se multiplier. C’est pour cela qu’on a lancé cette démarche collective et publique... Il s'agit d’éviter toute pression sur les individus."

Cela n’empêche pourtant pas la pression sociale. "Moi, je travaille pour une université privée. Ils m’ont dit qu’il était très probable qu’ils ne renouvellent pas mon contrat si je m’engageais dans cette démarche", raconte G.C., qui préfère garder l’anonymat en dénonçant ce cas évident de discrimination.


La discrimination. C’est ce qui a motivé Luis de Grazia, responsable du secteur des jeunes de la Communauté homosexuelle Argentine (CHA) de rejoindre la campagne. "Ce pape représente très bien l’idéologie de l’Eglise. Il se fout du politiquement correct. Il est radical, presque moyenâgeux, et nous montre la vraie face de l’Eglise. Il s’immisce dans nos vies privées, jusque dans nos lits ! Et cherche à imposer un dogme ultra-conservateur. Attention, ce n’est pas contre la foi religieuse que nous en avons ! Parmi nous, il y a des catholiques. Nous souhaitons simplement ne pas être complices de sa politique et soutenons une vraie séparation de l’Eglise et de l'Etat".

"Je suis d’une famille catholique pratiquante. A l’adolescence, j’ai commencé à douter. Et j’ai souffert le martyre ! Ils parlent d’amour et de paix, mais ces hypocrites génèrent de la haine. Aujourd’hui, je veux qu’ils effacent mon nom. Je ne veux plus avoir aucun contact avec eux", lâche Claudia Puccini, un jeune transsexuel de l’association.

6 milliards d'euros de subventions publiques

Face à l’ampleur que prend le mouvement, la réponse de l’Eglise s'est fait attendre. Pour se laisser le temps de la réflexion ? "On ne peut en aucun cas imposer la foi en Dieu. Le péché serait de déprécier sa foi alors que, en réalité, on croit. Au final, nous le voyons de manière positive, explique le prêtre Alejandro Russo. Sur le plan statistique, on va se rapprocher des réalités."

Une réalité qui pourrait faire mal. L’Eglise s’appuie depuis toujours sur les registres de baptêmes pour justifier les subventions que l'Etat lui octroie. Pas loin de 6 milliards d’euros par an...