
À l’appel des syndicats, des dizaines de milliers de personnes ont défilé à Paris pour la Fête du travail. Au-delà des traditionnelles revendications sociales, le défilé du 1er-Mai a viré à la démonstration anti-Sarkozy. Reportage.
Emploi, pouvoir d’achat, protection sociale… Les mots d’ordre des syndicats pour le traditionnel défilé du 1er-Mai ont été plutôt classiques. Mais dans le cortège, qui a rassemblé plusieurs milliers de personnes dans les rues de Paris - 48 000 selon la police, 250 000 selon la CGT -, le ton était éminemment politique. À cinq jours du second tour de l'élection présidentielle, la manifestation syndicale a pris des allures de rassemblement anti-Sarkozy.
Entre des drapeaux rouges de la CGT, du Parti communiste et du Front de gauche, flottant dans une odeur de merguez, une marée de pancartes - du classique "Sarkozy dégage" à l’inventif "Sarkomencera pas" - appelait au départ du président sortant. "C’est pas que je sois un grand fan d’Hollande, mais bon là, il ne faut pas que Sarko repasse, il a fait trop de dégâts", explique Fabien, 32 ans, infirmier dans un hôpital parisien, brandissant un carton avec les mots "Nous sommes en marche pour te virer" inscrits sous l’image du président-sortant. Le jeune homme décrit un service public hospitalier en déroute, manquant cruellement de personnel et de moyens. "Il faut embaucher. Le vrai travail, c’est ça."
Le "vrai travail". L’expression utilisée par Nicolas Sarkozy au lendemain du premier tour pour appeler ses partisans à se rassembler devant le Trocadéro - il a ensuite adopté le vocable "valeur travail" - est sur toutes les lèvres. "Regarde mes mains", apostrophe Bernard, 72 ans, en montrant ses paluches épaisses comme des pattes d’ours. "Ce ne sont pas des mains de travailleurs, ça ? Je suis tailleur de pierre depuis 57 ans, j’ai droit à une retraite de 321 euros. Alors je continue. Je ne suis pas un vrai travailleur, moi ?" Pour François Chérèque, le secrétaire général de la CFDT, qui ouvrait la marche aux côtés des autres leaders syndicaux, "la remarque [de Nicolas Sarkozy] sur le vrai travail n’a pas été supportée. La réponse, c’est l’affluence à cette manifestation".
"Le travail, c’est nous; le capital, c’est eux"
Sur les poitrines des dizaines de milliers de personnes venues participer au défilé, les autocollants orange "Nous faisons du vrai travail" étaient presque aussi nombreux que le macaron rouge "Casse toi pov’con", devenu incontournable dans les meetings du Front de gauche. Jean-Luc Mélenchon, le leader du parti resté en marge du cortège à l’instar des socialistes Martine Aubry et Ségolène Royal, s’est d’ailleurs agacée de la récupération politique "du symbole du 1er-Mai" par Nicolas Sarkozy. "Cette journée, c’est le jour des revendications ouvrières et des partis du travail. Les partis du travail, c’est nous. Eux [le Front national et l’UMP, qui se rassemblaient le même jour à Paris], ce sont les partis du capital".
Ces propos illustrent le bras de fer qui a opposé mardi 1er mai Nicolas Sarkozy aux syndicats. Dès les premières heures de la matinée, le secrétaire général de la CGT, Bernard Thibault, a déclenché les hostilités en appelant clairement à voter pour François Hollande. En réponse, devant plusieurs dizaines de milliers de ses partisans au Trocadéro, le président-candidat a violemment critiqué les organisations syndicales : "Je dis aux syndicats : posez le drapeau rouge et servez la France !". Ces paroles ont déclenché l’ire des responsables syndicaux. "C’est dire tout le mépris qu’il a pour les millions de personnes engagées syndicalement !", s’insurge un militant syndical dans le cortège.
Les syndicats ont réussi leur pari : mobiliser massivement. Selon le ministère de l’Intérieur, 316 000 personnes ont battu le pavé en France. Les syndicats, eux, avancent le chiffre de 750 000. Quant à Nicolas Sarkozy, il assure avoir rassemblé 200 000 personnes face à la tour Eiffel, chiffre qu’aucune donnée officielle n’est venu confirmer, les meetings politiques ne faisant pas l'objet d'un décompte de la part de la police.