Le président du Soudan du Sud, Salva Kiir (photo), affirme que son voisin du nord lui a déclaré la guerre. Le torchon brûle depuis plusieurs mois entre les deux pays qui se disputent des zones pétrolières à leur frontière.
AFP - Le Soudan a "déclaré la guerre" au Soudan du Sud, a affirmé le président sud-soudanais Salva Kiir mardi en Chine, pays forcé à jouer les médiateurs entre Khartoum et Juba du fait de ses intérêts pétroliers dans la région.
Ma visite "intervient à un moment critique pour la République du Soudan du Sud parce que notre voisin de Khartoum a déclaré la guerre" à notre pays, a dit M. Kiir juste au début d'un entretien avec son homologue chinois Hu Jintao.
Le chef d'Etat de la jeune nation -- la partition du Soudan remonte à juillet 2011 -- était reçu pour l'occasion au Grand palais de l'Assemblée du Peuple, quelques heures après avoir inauguré à Pékin la première ambassade du Soudan du Sud.
La visite cette semaine en Chine de M. Kiir pourrait avoir des retombées positives en raison des investissements de Pékin dans la région, qui contraignent le pouvoir chinois à tenter de calmer le jeu entre les parties.
Pékin est le premier client de l'or noir soudanais, qui est un enjeu majeur dans le conflit armé entre Khartoum et Juba.
"Nous espérons que les deux pays vont parvenir à résoudre leur conflit par le dialogue et les consultations, en se gardant d'actes susceptibles d'aviver les tensions", a déclaré mardi le porte-parole de la diplomatie chinoise Liu Weimin.
"Les compagnies pétrolières chinoises et leurs partenaires sont engagés dans des projets majeurs au Soudan et au Soudan du Sud. Nous estimons que leurs droits et intérêts légitimes doivent être protégés efficacement", avait-il insisté la veille.
"Le pétrole est sur le plan économique la bouée de sauvetage commune du Soudan et du Soudan du Sud", a-t-il répété mardi, alors que Khartoum et Juba fournissent à Pékin environ 5% de ses importations de pétrole.
L'aviation soudanaise a bombardé dans la nuit plusieurs régions pétrolifères frontalières du Soudan du Sud, a affirmé mardi Taban Deng, le gouverneur de l'Etat sud-soudanais d'Unité, frontalier du Soudan.
De son côté, le directeur adjoint des services de renseignement militaire sud-soudanais a déclaré savoir que l'armée soudanaise se préparait à une offensive sur Bentiu, capitale de l'Etat d'Unité, située à une soixantaine de km à l'intérieur de la frontière et bombardée lundi par un appareil soudanais.
De son côté le Soudan, qui refuse de revenir à la table des négociations malgré les appels au calme lancés par la communauté internationale, accuse Juba de vouloir "ébranler sa stabilité" en continuant à soutenir les rebelles sur son territoire.
Les deux Soudan semblent avoir renforcé leurs effectifs et déployé leurs forces dans des tranchées le long de leur frontière contestée, après les intenses combats qui les ont opposées depuis fin mars.
Principal allié d'un Soudan isolé diplomatiquement depuis les années 90, et son premier partenaire économique, Pékin a aidé Khartoum à devenir un important exportateur de pétrole. Mais la Chine s'approvisionne aussi en or noir auprès du Sud.
Les Chinois ont également armé à profusion les troupes soudanaises en lutte pendant plus de 20 ans contre les rebelles du Mouvement populaire de libération du Soudan (SPLM), aujourd'hui au pouvoir à Juba.
Mais dès les accords de paix de 2005, ouvrant la voie à une possible indépendance du sud (concrétisée l'an dernier), la Chine a pris soin de s'attirer aussi les bonnes grâces des sudistes.
D'où le délicat exercice d'équilibre auquel est contraint aujourd'hui Pékin, qui a ses derniers jours appelé maintes fois les deux parties à "reprendre le dialogue dès que possible".
La position de Pékin "est de promouvoir le dialogue et de pousser pour la paix," a expliqué Li Guangyi, professeur à l'Institut des études africaines de l'université de Xiangtan (centre de la Chine).