Madrid a réussi une importante émission obligataire, jeudi 19 avril, en levant plus de 2 milliards d'euros, à des taux d'intérêts cependant élevés. Le spectre d'un scénario à la grecque n'est donc pas écarté. La zone euro pourrait-elle y faire face ?
Très chers marchés financiers. Lors d’une importante émission d’obligations jeudi 19 avril, Madrid a certes réussi à lever plus de 2 milliards d’euros, mais au prix d'un taux d'intérêt élevé (5,7 %) frôlant le seuil des 6 %, stade considéré très critique pour la solvabilité de la dette d'un État. Une situation qui semble indiquer que la quatrième puissance économique de la zone euro se rapproche de plus en plus du point de rupture qu'a connu la Grèce.
Officiellement, personne ne veut croire à un scénario dans lequel Madrid en appellerait à une aide financière de l’Europe. La Commission européenne, l’Eurogroupe (qui rassemble l’ensemble des ministres européens des Finances), et Wolfgang Schäuble, le ministre allemand des Finances, ont tous assuré ces derniers jours que l’Espagne n’avait pas besoin d’aide.
Une multiplication de déclarations qui reflète l’inquiétude de l’Union européenne, car pour soutenir financièrement Madrid “il faudrait bien plus d’argent que ce qui a été versé à la Grèce, au Portugal ou à l’Irlande”, assure à FRANCE 24 Iain Begg, spécialiste de l’Europe à la London school of economics. De quoi mettre les finances de la zone euro à rude épreuve.
La talon d’Achille
Plusieurs indices semblent indiquer que le cauchemar de Bruxelles est en passe de devenir réalité. Outre les taux d’intérêt sur les obligations espagnoles qui se rapprochent dangereusement des 6%, les credit default swap (CDS) - ces garanties contre l’insolvabilité d’un État - sur l’Espagne sont de plus en plus chers. En outre, le pays est entré en récession au premier trimestre 2012 a confirmé, lundi 16 avril, la Banque centrale espagnole. Une situation économique détériorée qui devrait compliquer la tâche du gouvernement conservateur du Premier ministre Mariano Rajoy pour ramener le déficit budgétaire à 3 % du PIB en 2013.
Mais la plus grande menace pour l’économie espagnole demeure la santé de son secteur
immobilier. “Son effondrement a marqué le début de la crise pour l’Espagne, mais il peut encore tomber plus bas, et l’État devrait alors voler au secours de ses banques et probablement demander de l’argent à l’Europe pour ce faire”, analyse Ian Begg. L’exposition du secteur bancaire espagnol à des prêts immobiliers douteux s’élève actuellement à 140 milliards d’euros, soit 110 % de plus que l’an dernier, selon une estimation de la Banque centrale espagnole publiée mardi 17 avril.
Malgré tout, ces mauvais indicateurs ne suffisent pas, selon Iain Begg, à justifier l’affolement actuel des marchés. “La dette espagnole [67 % du PIB fin 2011, NDLR] est moins élevée que celle de l’Allemagne (81 %) et les déficits sont en baisse depuis plus d’un an”, rapelle-t-il. “On note également que la compétitivité des entreprises espagnoles s’améliore et que les exportations augmentent”, rajoute Benjamin Carton, économiste au Centre d'études prospectives et d'informations internationales (Cepii).
Et après ?
Tout deux reconnaissent que si les marchés financiers s’emballent, la rationalité économique risque de ne pas suffire. Il faudrait alors que l’Europe prenne le relais des marchés pour maintenir l'Espagne à flot. Le coût d’un plan de sauvetage est estimé entre 350 milliards et 500 milliards d’euros.
La zone euro y survivrait car “à partir de juin, le Mécanisme européen de stabilité (MES) sera doté de 800 milliards d’euros pour venir en aide aux pays endettés”, note Iain Begg. Surtout, depuis la débâcle grecque, l’Europe a affiner son arsenal notamment en permettant à la Banque centrale européenne (BCE) de participer au sauvetage des économies fragilisées. “Elle rachète maintenant massivement aux créanciers privés les obligations des pays qui sont en danger, ce qui permet de rassurer les marchés”, explique Iain Begg.
Néanmoins, le danger n’est pas tant l’obligation de voler au secours de l’Espagne que le risque de contagion. “Jusqu’à présent, les États qui ont dû être secourus sont essentiellement des petites économies. Si la même chose arrive à l’Espagne, les marchés intègreront le fait que les grandes économies ne sont pas à l’abri”, conclut Benjamin Caron. Et dans ce jeu de domino infernal, la pièce qui vient après l’Espagne risque d’être l’Italie, la troisième économie européenne.