
Thomas Indreboe (photo), un des trois juges non-professionnels du procès d’Anders Behring Breivik, a été récusé par le tribunal d’Oslo. Il aurait réclamé sur Internet la peine de mort pour l’accusé. Une opinion qui viole son devoir de réserve.
Coup de théâtre au procès d’Anders Behring Breivik, l'auteur du double attentat qui a fait 77 morts, le 22 juillet 2011, en Norvège. Ce mardi 17 avril, le tribunal d’Oslo a renvoyé l'un des cinq juges du très médiatique procès. L’homme, ainsi que deux de ses homologues, avaient été tirés au sort parmi des citoyens volontaires pour assister les deux juges professionnels lors des audiences.
Thomas Indreboe est soupçonné d’avoir tenu des propos semant le doute sur sa compétence à siéger. Ce réceptionniste, désigné conformément à un mécanisme de justice populaire en vigueur en Norvège, aurait écrit sur la page Facebook du journal "Verdens Gang" : "La peine de mort est la seule solution juste dans cette affaire!!!!!!!!!!" (voir ci-dessous). Des propos qui viennent quelque peu entacher cet esprit de tolérance si souvent revendiqué par la société scandinave face au massacre d’Utoya.
Ce message, s’il est prouvé qu’il a été rédigé par Thomas Increboe, est inacceptable pour une cour de justice. "Il est impossible de maintenir en poste un juge qui a déjà un parti pris. Cela empêche la tenue d’un procès équitable, explique à FRANCE 24 Laura Grosset, avocate au barreau de Paris. Il faut partir du principe que si un homme est déjà convaincu de la sentence à infliger à un accusé, la défense n’a plus lieu d’être. Aussi monstrueux cet homme soit-il, il a le droit à un procès juste et impartial", ajoute l’avocate, pour qui "l’impartialité est un droit fondamental". En d’autres termes, si ce droit est bafoué c’est le système judiciaire dans son ensemble qui est remis en cause.
Dualité entre le citoyen et le juré
Un argument corroboré par la juge Wenche Elizabeth Arntzen, qui préside le procès. Bien que la peine de mort ne figure pas dans l’arsenal pénal norvégien, ces propos "sont de nature à affaiblir la confiance" en son jugement, a-t-elle expliqué.
Les experts s'accordent à le dire : dans un système judiciaire populaire, il existe une sorte de dualité entre le citoyen que l’on est et le rôle de juré que l’on endosse. Thomas Indreboe s’est-il laissé submerger par l’horreur que lui aurait inspiré les crimes de Breivik ?
Alors que peu de manifestations de colère de la part des Norvégiens semblent s’être manifestées en public, nombre de pages Facebook témoignent, à l’instar de ce juge désavoué, de la haine qu’inspire à ses compatriotes le tueur d'Utoya. Or, lors d’un procès, l’émotion ne doit pas supplanter la réflexion. "Lorsqu’on siège dans une cour, il faut savoir se départir de ses opinions propres, écouter les deux parties [l’accusation et la défense] puis se forger un avis issu de ces débats. C’est un travail compliqué", reconnaît Laura Grosset, qui insiste sur le fait que poster cet avis sur Internet quand on enfile la robe d’un juge constitue une "violation de la Convention européenne des droits de l’Homme."