
Le Premier ministre, Sébastien Lecornu, s'exprime devant le commissariat de L’Haÿ-les-Roses (Val-de-Marne), le 11 octobre 2025. © Martin Lelièvre, Reuters
Sébastien Lecornu avait mis près de quatre semaines à composer son premier gouvernement. Le deuxième a été formé en 48 heures, mais non sans douleurs. Avec 34 ministres et ministres délégués, dont plus de la moitié ont déjà servi dans un gouvernement sous Emmanuel Macron, le gouvernement Lecornu 2 a été officiellement nommé, dimanche 12 octobre, après une réunion de plus de trois heures à l’Élysée entre le président de la République et son Premier ministre.
Voici quatre enseignements à retenir de ce quatrième gouvernement français nommé en un an.
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Une "carte blanche" qui vire au déjà vu
Le président de la République Emmanuel Macron avait fait savoir vendredi soir qu’il donnait "carte blanche" à son Premier ministre reconduit pour choisir les membres de son gouvernement. Moins de 48 heures plus tard, il le convoquait à l’Élysée pour finaliser une équipe composée de nombreux fidèles. C’est ainsi que des noms bien connus des gouvernements d’Édouard Philippe, de Jean Castex, d’Élisabeth Borne, de Gabriel Attal, de Michel Barnier et de François Bayrou se retrouvent une nouvelle fois dans le gouvernement.
Alors que Sébastien Lecornu avait promis un "renouvellement" et des "surprises", Gérald Darmanin (Justice), Amélie de Montchalin (Comptes publics), Jean-Noël Barrot (Affaires étrangères), Rachida Dati (Culture), Catherine Vautrin (Armées), Aurore Bergé (Égalité entre les femmes et les hommes) ou encore Benjamin Haddad (Europe) sont une nouvelle fois au casting.
Au total, 18 ministres et ministres délégués sur les 34 que compte le gouvernement Lecornu 2 ont déjà fait partie d’un gouvernement depuis 2017. Et les fidèles du chef de l’État se trouvent également parmi les nouveaux puisque David Amiel, nommé ministre délégué à la Fonction publique et à la Réforme de l’État, fait partie du premier cercle de conseillers d’Emmanuel Macron depuis 2015, et qu'Alice Rufo, nommée ministre déléguée aux Anciens combattants, est l’ancienne numéro 2 de la cellule diplomatique de l’Élysée.
Sans doute Sébastien Lecornu a-t-il une nouvelle fois essuyé de nombreux refus ? Alors que ceux d’Édouard Philippe et de Gabriel Attal d’intégrer son premier gouvernement sont connus, ce sont cette fois-ci l’ancien ministre de la Santé Yannick Neuder et le député Les Républicains Julien Dive qui ont publiquement déclaré avoir décliné une proposition, tandis qu’Agnès Pannier-Runacher a annoncé refuser de faire partie du nouveau gouvernement, sans préciser si un maintien à son poste lui avait été proposé, car "les Français ont demandé une rupture".
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Le compte à rebours du budget est lancé
Dans un message posté sur le réseau X après l’annonce de son second gouvernement, Sébastien Lecornu a parlé d'un "gouvernement de mission" pour "donner un budget à la France avant la fin de l'année".
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Accepter Gérer mes choixLe temps presse car la Constitution prévoit que le Parlement dispose de 70 jours pour examiner le budget avant le 31 décembre. Mais alors que le lundi 13 octobre était présenté depuis plusieurs jours par l’exécutif comme la date-butoir pour transmettre le budget au Parlement dans les temps, il ne devrait finalement être transmis que le lendemain, après le premier Conseil des ministres du nouveau gouvernement programmé mardi 14 octobre à 10 h.
Le budget présenté sera celui préparé par François Bayrou et Sébastien Lecornu, puis transmis pour avis le 2 octobre au Haut Conseil des finances publiques. "Pas parfait", ce budget a été "plutôt imaginé aussi pour que le débat ait lieu" au Parlement, avait expliqué Sébastien Lecornu.
Jusqu'au bout, des tractations ont été menées avec les forces politiques pour tenter de rallier une majorité parlementaire et éviter la perspective d'une censure ou de nouvelles élections législatives anticipées. Après s'être cristallisé sur la taxe Zucman sur le patrimoine des ultra-riches, réclamée par la gauche mais refusée par le Premier ministre, le débat s'est déplacé sur un autre terrain miné, celui des retraites. Les socialistes réclament la suspension immédiate de la réforme passée par Élisabeth Borne en 2023 grâce au 49.3 pour ne pas censurer ce gouvernement.
Pour se donner de la marge en vue d'un compromis, Sébastien Lecornu a accepté de revoir à la baisse ses ambitions d'assainissement des finances publiques, avec un objectif de déficit public pour 2026 désormais "en dessous de 5 %" du produit intérieur brut (PIB) plutôt qu'à 4,7 %.
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Vers une nouvelle crise chez Les Républicains
Six ministres sont issus du parti Les Républicains (LR), dont la consigne donnée samedi était pourtant de ne pas participer au gouvernement. Parmi eux, Annie Genevard, présidente de la commission nationale d’investiture de LR reconduite à l'Agriculture, ou Vincent Jeanbrun, porte-parole du parti qui s'installe au Logement.
Un affront pour Bruno Retailleau, élu président du parti au printemps, qui va devoir gérer une crise interne. Dans la foulée de l’annonce du gouvernement, LR a annoncé l’exclusion des six ministres et la cessation immédiate de "leurs fonctions dans nos instances dirigeantes". Une réunion de ces instances est programmée "dans les tout prochains jours pour statuer de manière définitive". Le cas Rachida Dati est particulièrement épineux, alors qu’elle vient tout juste d’être investie par le parti comme candidate à la mairie de Paris.
Ces nominations donnent l'impression que Sébastien Lecornu a joué sur les divisions internes chez LR, lui qui avait reçu séparément mardi à Matignon Bruno Retailleau et son rival Laurent Wauquiez, patron des députés LR. Ce dernier a répété plusieurs fois ces derniers jours qu'une "large majorité" de son groupe soutenait la participation au gouvernement, contrairement aux sénateurs qui ont soutenu la position de Bruno Retailleau.
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Une espérance de vie très limitée
Sébastien Lecornu, qui doit prononcer sa déclaration de politique générale mardi après-midi, pourrait battre son propre record du Premier ministre le plus éphémère de la Ve République. Le Rassemblement national (RN) et La France insoumise (LFI) ont rapidement annoncé dimanche soir le dépôt d’une motion de censure après l’annonce du gouvernement.
En ajoutant à gauche les voix des députés écologistes et communistes, qui ont eux aussi menacé de censure Sébastien Lecornu, et à l’extrême droite celles des députés du parti d’Éric Ciotti, l’Union des droites pour la République, un total de 264 députés est atteint. Il ne manquerait alors que 25 socialistes sur les 69 que compte le groupe pour atteindre les 289 voix requises pour faire chuter le gouvernement.
Alors que les votes sur les motions de censure sont attendus dès mercredi ou jeudi, la patronne des députés LFI Mathilde Panot pourrait bien avoir parfaitement résumé la situation. "Un conseil aux nouveaux arrivants : ne déballez pas trop vite vos cartons. La censure arrive", a-t-elle écrit sur X dimanche soir.