La droite brandit la menace d'une "crise de confiance" des marchés financiers si le candidat socialiste François Hollande remportait la présidentielle. Une analyse qui n'est pas partagée par tout le monde au sein du monde de la finance...
Nicolas Sarkozy s'en est pris jeudi soir sur France 2 au quotidien britannique des milieux d'affaires Financial Times en dénonçant ses positions économiques libérales. "Ils ne sont pas d'accord avec moi, ça me réjouit beaucoup figurez-vous parce que je ne suis pas d'accord avec eux", a dit M. Sarkozy sur les critiques du quotidien concernant la politique économique actuellement menée en Europe.
A dix jours de l’élection présidentielle, la droite évoque déjà une réaction violente des marchés financiers en cas de victoire du candidat socialiste François Hollande. Nicolas Sarkozy a jugé, mercredi 11 avril, qu’une arrivée au pouvoir de la gauche provoquerait une “crise de confiance” sur les marchés financiers mondiaux qui risquerait de “mettre la France à genoux”. La veille, le Premier ministre François Fillon, lors d'un meeting électoral à Versailles, a brandi la menace d’une attaque des spéculateurs contre l’euro si François Hollande remportait l'élection au soir du 6 mai.
Mais pour le camp socialiste, le président sortant et le Premier ministre “se comportent comme des irresponsables lorsqu'ils laissent à penser que l'arrivée aux responsabilités de François Hollande ferait peur aux marchés”, jugeait Pierre Moscovici, le porte-parole du candidat du PS, sur Radio Classique le 12 avril. Dans un entretien accordé aux "Échos" le même jour, le champion de la gauche et actuel favori des sondages dans la course à l’élection a ironisé quant à lui sur “l’affolement que le candidat sortant [Nicolas Sarkozy ndlr] tente de communiquer aux marchés”.
"Le monde de la finance a un réel poids électoral"
Au-delà des ces joutes verbales, la droite remporte toutefois une victoire : avec cette menace, elle a réussi à faire jouer un rôle aux marchés financiers dans la dernière ligne droite électorale. “Nicolas Sarkozy a réussi à faire passer le message que voter pour lui est économiquement plus responsable”, analyse Pascal de Lima, économiste et enseignant à Sciences-Po Paris.
Ce spécialiste de la finance pense qu’il existe effectivement un risque de “surréaction des marchés” en cas d’élection de François Hollande. Le programme économique du candidat socialiste “se fonde sur la demande, c’est-à-dire la relance de la consommation qui passe par une augmentation des dépenses publiques”, souligne Pascal de Lima. Une politique à l’inverse des attentes des marchés financiers qui exigent, selon lui, une plus grande maîtrise budgétaire des États européens. “Cette élection présidentielle risque malheureusement de démontrer que, dans le climat économique actuel, le monde de la finance a un réel poids électoral”, regrette Pascal de Lima.
Le précédent Mitterrand
Mais cette prédiction de vengeance des boursicoteurs en cas de retour de la gauche au pouvoir ne fait pas l’unanimité, et ce même parmi les professionnels des salles de marchés. “Cette manière de jouer sur la peur des électeurs en leur faisant croire qu’il y a une armée de spéculateurs qui n’attend qu’une chose - la victoire de François Hollande - pour attaquer la France est totalement ridicule”, estime Eric Valatini, un trader français pour une grande banque internationale.
Ce professionnel de la finance rappelle que l’élection de François Mitterrand en 1981
n’avait entrainé qu’une chute du cours de la Bourse et non pas un cataclysme. “Pourtant, à l’époque, il y avait des communistes qui se revendiquaient de l’Union soviétique au gouvernement ce qui est tout de même plus effrayant pour un investisseur que le programme de François Hollande”, tempère Eric Valatini.
“Les marchés ont déjà largement intégré le programme économique de François Hollande et s'ils en avaient peur, ils auraient déjà sanctionné la France puisque le candidat socialiste est le grand favori de l’élection”, assure le trader.
Les Bourses sont actuellement plutôt calmes, ce qui semblerait indiquer que les déclarations du hérault de la gauche sur son intention de “dominer la finance” n’ont pas encore contrarié les salles de marchés.