Au procès d'Yvan Colonna, la cour d'assises estime qu'aucun élément nouveau ne justifie un déplacement sur les lieux de l'assassinat du préfet de Corse, Claude Érignac, le 6 février 1998 à Ajaccio. La défense fustige un dossier "plié".
AFP - La cour d'assises spéciale rejugeant Yvan Colonna pour l'assassinat du préfet Erignac a refusé mardi une reconstitution, suscitant à nouveau la colère de la défense qui a fustigé un dossier "plié" et dit n'avoir "plus du tout" confiance dans les juges du berger corse.
Les juges d'appel ont estimé "qu'à ce stade des débats", entamés depuis trois semaines, ils ne constataient aucun élément nouveau justifiant un déplacement sur les lieux de l'assassinat du préfet de Corse, le 6 février 1998 à Ajaccio.
Il n'en fallait pas moins pour faire sortir de leurs gonds les défenseurs d'Yvan Colonna dans un procès déjà émaillé de nombreux incidents.
"Votre sourire en dit plus que votre décision", a lancé ulcéré Me Antoine Sollacaro au président Didier Wacogne, qu'il a qualifié aussi de "bateau ivre" après l'avoir comparé vendredi à "la junte birmane".
"La confiance était déjà bien entamée mais là il n'y a plus de confiance du tout", a réagi Me Pascal Garbarini. "On se dit +c'est plié+, le sort judiciaire de Colonna est scellé."
Pour les avocats du berger de Cargèse, condamné en première instance fin 2007 à la perpétuité, la reconstitution était nécessaire pour confronter des éléments livrés à l'audience avec la thèse de l'accusation qui inclut Yvan Colonna dans un trio de tueurs.
A la barre, plusieurs témoins présents sur les lieux du crime sont venus dire qu'ils ne reconnaissaient pas l'accusé. Le dernier en date, Cédric Leprévost, a affirmé mardi matin "ne pas reconnaître Yvan Colonna comme étant l'un des deux hommes" à l'attitude "bizarre" qu'il avait aperçus "postés" dans une rue adjacente le soir du 6 février.
A la décharge de l'accusé ont également été avancées des expertises évoquant une taille du tueur (1m83) plus grande que celle de Colonna (1m72).
Pour appuyer leur requête, les avocats faisaient aussi valoir les déclarations de quatre des six membres du commando, condamnés en 2003, qui avaient mis en cause Yvan Colonna en mai 1999 avant de se rétracter 17 mois plus tard.
Or, un policier retraité, Jean-Pierre Colombani, ancien des Renseignements généraux (RG) à Ajaccio, est venu affirmer lundi soir que des policiers des RG connaissaient "l'implication d'Yvan Colonna dans l'assassinat" du préfet Erignac "dès décembre 1998".
Pour la défense, ce témoignage conforte l'idée que le nom de Colonna ait pu être "soufflé" aux membres du commando pendant leur garde à vue.
"Ce n'est pas une technique de travail de la police judiciaire de souffler des noms à des personnes en garde à vue", s'est défendu mardi après-midi Frédéric Veaux, ancien chef de la division nationale antiterroriste (DNAT), responsable de l'enquête.
Son adjoint Philippe Frizon a renchéri en expliquant que ce n'était "pas une personne qui a mis en cause Yvan Colonna mais toute une série de personnes (...) d'une totale sincérité".
Pour Me Garbarini, "il y a des difficultés insurmontables dans cette procédure. Il y a quelque chose de pourri. On ne peut pas travailler en l'état".
"A quel moment va-t-on considérer que nous avons droit à un procès équitable?", a tonné son confrère Gilles Simeoni.
Un simple transport de la cour en Corse, et non une reconstitution, avait été ordonné en première instance, en l'absence des membres du commando déjà condamnés. Au terme de ce déplacement à huis clos, chacune des parties avait campé sur ses positions.