Alors que les Birmans se rendent aux urnes ce dimanche pour des élections législatives partielles hautement symboliques, l'opposition, menée par Aung San Suu Kyi qui brigue un siège au Parlement, dénonce des irrégularités.
AFP - La Birmanie votait dimanche dans des élections partielles historiques qui devraient permettre à l'opposante Aung San Suu Kyi d'entrer au Parlement, un test majeur pour la crédibilité du nouveau régime, accusé d'irrégularités par l'opposition.
La circonscription rurale de Kawhmu, à deux heures de Rangoun, où se présentait la lauréate du prix Nobel de la paix, habituellement aussi calme que poussiéreuse, a été envahie par la presse étrangère, les équipes de télévision et les services de sécurité birmans.
Les habitants ont fait la queue dans les bureaux de vote dès le petit matin. "Je vais voter pour Mère Suu parce que je l'aime (...) Nous sommes si heureux qu'elle soit venue dans notre village", a déclaré à l'AFP San San Win, 43 ans, une ouvrière du village de Wahtheinkha.
Les bureaux de vote étaient censés fermer à 16hOO locales (9h30 GMT).
Considérée il y a encore deux ans comme l'ennemie publique numéro un par la junte alors au pouvoir, Suu Kyi était très largement favorite même si elle affrontait le verdict des urnes pour la première fois.
Après avoir mis un terme à ses derniers déplacements à la suite de problèmes de santé mineurs, elle semblait en bonne forme, tout sourire et à son aise alors qu'elle déambulait, vêtue d'une robe rouge, dans les villages de sa circonscription.
Un total de 45 sièges étaient en jeu dans tout le pays, dont 44 brigués par la Ligue nationale pour la démocratie (LND) de Suu Kyi: 37 à la chambre basse du parlement (sur un total de 440), six à la chambre haute et deux dans des chambres régionales.
Le gouvernement, des anciens militaires réformateurs arrivés au pouvoir il y a un an, tente de prouver que ses réformes justifient la levée des sanctions occidentales qui étranglent l'économie du pays.
Au terme d'un processus de transition non violent et sous contrôle de l'armée, cette nouvelle équipe a proposé à Suu Kyi d'intégrer l'échiquier politique officiel. Selon les analystes, le gouvernement a lui-même intérêt à voir l'opposante triompher sous le regard de la communauté internationale.
Suu Kyi a plusieurs fois dénoncé une campagne pleine d'irrégularités. Mais elle a aussi revendiqué le besoin de participer - donc de légitimer - le processus en cours. "Une fois au parlement, nous pourrons travailler pour une véritable démocratisation", a-t-elle justifié vendredi.
De nouvelles accusations sont venues dimanche de la LND, qui a dénoncé la présence de cire sur des bulletins à côté du nom de ses candidats. Un procédé qui pourrait faciliter l'annulation de votes. "Si cela continue, cela va ternir le prestige des élections", a estimé Nyan Win, porte-parole de la Ligue.
Des incidents toutefois minimisés par Surin Pitsuwan, secrétaire général l'Association des nations d'Asie du Sud-Est (Asean), qui a envoyé des observateurs.
"Globalement, les choses se passent bien et il y a beaucoup de plaintes de ce type dans les élections de nombreux autres pays", a-t-il relevé. "Je n'ai rien entendu de sérieux".
Après des années à dissimuler leur soutien pour une femme qui s'est muée en icône de la résistance à la junte, les partisans d'Aung San Suu Kyi laissent depuis quelques semaines éclater leur joie, convaincus de sa victoire.
La chanson "Notre mère est de retour" est ainsi devenue un tube de campagne.
La "Dame" de Rangoun avait triomphé aux élections de 1990, sans que la junte ne reconnaisse jamais les résultats. Elle était encore en résidence surveillée vingt ans plus tard, en novembre 2010, lors de législatives boycottées par la LND et qualifiées de mascarade par l'Occident.
"Le processus électoral de 2010 (...) a représenté une opportunité ratée (...) Cela ne doit pas se reproduire alors que la Birmanie entre dans une ère nouvelle", a estimé l'envoyé spécial de l'ONU sur les droits de l'Homme en Birmanie, Tomas Ojea Quintana.