Soupçonné d'avoir perçu plusieurs centaines de milliers de dollars dans le cadre de l'affaire du trafic d'armes vers l'Angola, l'ancien ministre a plaidé, lundi, son innocence, à Paris. Il invoque son indifférence à l'égard de l'argent.
AFP - Charles Pasqua ne possède que "quelques arpents dans la montagne corse" et Paul-Loup Sulitzer "vit aujourd'hui de sa pension de retraite": deux des plus célèbres prévenus du procès de l'Angolagate ont assuré lundi n'avoir en rien profité des millions de ce "trafic" d'armes.
Le tribunal correctionnel de Paris entendait leurs plaidoiries de défense avant celles mardi d'Arcadi Gaydamak et mercredi de Pierre Falcone, les deux associés accusés d'avoir organisé dans les années 90 un vaste commerce d'armes de guerre, pesant 790 millions de dollars, vers l'Angola alors en pleine guerre civile.
"Parmi les valeurs que je sers, il y a en a une qui n'y figure pas: l'argent", a dit M. Pasqua, le verbe haut et clair malgré sa convalescence après quelques jours d'hospitalisation due à un malaise.
Deux faits principaux sont reprochés au sénateur de 81 ans contre lequel l'accusation réclame trois ans de prison avec sursis et 150.000 euros d'amende.
L'ancien député européen est accusé d'avoir touché 450.000 dollars de la part des deux associés qui en auraient escompté en échange un "lobbying" au Parlement de Strasbourg en faveur des intérêts angolais.
"Durant la période, l'Angola y a été évoqué une fois, pour prendre une résolution extrêmement sévère contre le régime de Luanda", a souligné son défenseur, Me Edgar Vincensini.
L'accusation affirme aussi que l'association France-Afrique Orient (FAO), dont M. Pasqua était vice-président, aurait touché 1,5 million de FF (228.700 euros) pour financer ses activités politiques. A preuve, la décoration de l'Ordre national du mérite que M. Gaydamak aurait reçue en échange.
Le vrai motif de cette décoration, a répété Me Vincensini, est le rôle joué par l'homme d'affaires dans la libération de pilotes militaires français prisonniers en Serbie.
"C'est quand même au travers de M. Gaydamak que Moscou a mis à notre disposition une équipe des services secrets russes", a insisté M. Pasqua. "Mais nous n'avions pas à le dire, ni à le faire savoir".
"On dit de moi que je suis un homme de secret. C'est vrai. C'est grâce à ce comportement quasi-automatique que nous avons pu survivre" durant la guerre, a expliqué M. Pasqua, engagé dans la Résistance à l'âge de 15 ans.
Me Léon-Lef Forster, autre avocat de l'ancien ministre de l'Intérieur, a demandé aux juges de "rompre avec les a priori, les préjugés" vis-à-vis d'un homme à la réputation "satanisée".
"Je suis victime de mon image", a dit lui aussi Paul-Loup Sulitzer, accusé d'avoir indûment touché 380.000 euros de la part de Pierre Falcone pour un travail qui, selon l'accusation, "se résume à rien".
Contre cette somme, l'écrivain affirme avoir exercé du "lobbying" auprès des médias pour redorer la réputation de M. Gaydamak. "A l'époque, mon nom ouvrait des portes. Vous croyez qu'on me payait pour mes beaux yeux ?"
Depuis sa mise en examen en décembre 2000, cette affaire a été pour lui un "cataclysme", a plaidé Me Martine Malinbaum. L'avocate rappelle que M. Sulitzer a été quitté par son épouse partie vivre au Canada avec ses deux enfants, que sa société PLS International a fait faillite et que pour ces sommes non déclarées au fisc, il a été condamné à six mois de prison avec sursis. Elle évoque aussi les redressements "aux chiffres incommensurables", un coma diabétique en 2002, puis un accident vasculaire cérébral grave en 2003.
L'accusation a requis contre lui 18 mois de prison avec sursis et 250.000 euros d'amende, mais pour ces "rémunérations occultes", il a déjà été "puni" par la justice, a insisté Me Malinbaum.