
Légalisé, le Parti pirate tunisien s'apprête à faire son entrée dans la vie politique locale. Une reconnaissance officielle qui ne signifie pourtant pas que le mouvement est en passe de devenir un parti comme les autres, affirme son président.
Il cumule les premières. En août 2010, le Parti pirate tunisien avait été la première déclinaison au Maghreb de ce mouvement international en faveur d’un Internet libre et sans censure. Lundi dernier, il est devenu le premier Parti pirate de la région à être officiellement reconnu par l’État.
Cette sortie de la clandestinité a une forte valeur symbolique, onze mois après que celui-ci a demandé sa reconnaissance. Elle intervient en effet alors que le président tunisien, Moncef Marzouki, a rendu hommage, mardi, aux blogueurs et aux internautes pour l'influence qu'ils ont eu dans la révolution tunisienne. La reconnaissance du Parti pirate illustrerait donc la volonté actuelle du régime tunisien de se donner l'image d’ami d’Internet.
Un rôle de faire valoir du pouvoir que Sleh Dine Kchouk, le président de la branche tunisienne du parti, se refuse absolument d’endosser. “Le discours du président sur l’importance d’Internet était une mascarade, une pièce de théâtre destinée à faire croire à la communauté internationale que la Tunisie est devenue une démocratie moderne”, assène-t-il à FRANCE 24.
Des candidats aux élections
Pour ce cyberdissident historique, la légalisation du parti “va nous permettre de présenter des candidats aux prochaines élections municipales ou même à une éventuelle présidentielle”. Mais elle ne signifie pas pour autant qu'il va rentrer dans le rang. “Cela nous donne une forme de sécurité, mais notre guerre contre les politiciens - ou plutôt les 'politichiens' - qui, aujourd’hui comme hier, ne représentent absolument pas le peuple va continuer”, martèle cet ancien militant de l’Union générale des étudiants tunisiens (très active lors des manifestations contre Ben Ali).
Une manière de prendre des distances avec le plus célèbre des ex-membres du Parti pirate tunisien, Slim Amamou. Ce cyberactiviste, co-fondateur du mouvement avec Sleh Dine Kchouk, en avait été exclu après avoir rejoint le gouvernement d’union nationale constitué le 17 janvier 2011 en tant que secrétaire d’État aux Sports et à la Jeunesse.
Reste désormais à savoir si le Parti pirate tunisien réussira son pari : demeurer fidèle aux principes de la révolution de janvier 2011 après sa reconnaissance officielle. Dans la vingtaine de pays où il a été légalisé, ses membres participent plus ou moins au jeu politique local. En Allemagne par exemple, il est représenté au Parlement du Land de Berlin (circonscription régionale allemande), tandis qu'en Suède, l'une de ses membres a réussi à se faire élire eurodéputée en 2009.