
Jeudi soir, l’Europe saura si la Grèce a obtenu du secteur privé qu’il abandonne une partie de ses créances. Dans le cas inverse, c’est le sauvetage de la Grèce dans son ensemble qui est remis en cause. Comment en est-on arrivé là ?
Le dénouement est proche. Le polar économique qui voit s’affronter depuis quelques mois le gouvernement grec et le secteur privé s’achève jeudi soir à 20 heures, heure française. Si une grande majorité des créanciers privés n’acceptent pas de délester Athènes de 50 % au moins de ses dettes - c’est à dire 103 milliards d’euros - les négociations auront échoué. “Dans ce cas, c’est tout le second plan d’aide à la Grèce qui est remis en cause car un accord avec les créanciers privés est une condition de sa mise en œuvre”, explique à FRANCE 24 Kevin Featherstone, directeur de l’Observatoire de la Grèce à la London school of economics. Pour lui, un échec “mettrait la Grèce sur les rails d’une faillite quasi-assurée”.
Alors que la pression monte autour de la table des négociations, responsables politiques européens et grecs multiplient les déclarations rassurantes. “Celà se passe bien, nous sommes optimistes”, a indiqué jeudi à l’agence de presse Reuters un membre du ministère grec des Finances qui a voulu gardé l’anonymat. La veille, Olli Rehn, le commissaire européen aux Affaires économiques avait affirmé que “de toute façon, les créanciers privés savent qu’ils n’auront pas de meilleur accord”.
Moins optimiste, Kevin Featherstone juge que le risque d’un échec est “certes faible, mais réel”. Cette crainte se nourrit d’un constat chiffré : mercredi soir, à 24 heures de l’expiration du délai des négociations, seuls 55 % des créanciers privés s’étaient engagés à faire une croix sur une partie de leur créance. Problème : Athènes affirme qu’il n’acceptera pas d’accord s’il n’y a pas au moins 75 % des banques et autres fonds d’investissement qui jouent le jeu.
Hedge funds récalcitrants
Pourquoi la Grèce réussirait-t-elle à arracher sur la ligne d’arrivée l’accord des créanciers qui se sont montrés réticents à signer depuis le début des négociations en octobre dernier ? “Le problème est qu’il n’y a pas de responsables européens avec une autorité suffisamment forte pour taper sur la table et dire maintenant ça suffit, tout le monde doit signer”, souligne Kevin Featherstone. Du coup, chacun durant le temps des négociations n’a recherché que son propre intérêt. Un intérêt qui ne coïncide pas forcément avec celui de la zone euro.
“Depuis le début, ceux qui traînent le plus les pieds sont les fonds d’investissement spéculatifs, hedge funds, et les fonds de pensions grecs”, explique Kevin Featherstone. Ces deux groupes de créanciers détiennent 83,5 milliards d’euros sur un total de 206,5 milliards d’euros de créances privées.
Les créanciers de la Grèce jugent que dans le contexte économique national actuel, renoncer à la moitié de ce qu’Athènes leur doit serait du suicide. Pour les fonds spéculatifs, “leur situation dépend beaucoup du marché des CDS (Credit default swap)”, estime Kevin Featherstone. Une partie d’entre eux a, en effet, souscrit à ces garanties sur un défaut éventuel de la Grèce. Pour eux, une faillite grecque ne serait pas une mauvaise opération financière. “Le problème est que ce marché des CDS est totalement opaque et que les négociateurs ne savent donc absolument pas quelles sont les créanciers qui a quel intérêt dans cet histoire”, regrette ce spécialiste de l’économie grecque.