, envoyée spéciale à Moscou – Quelque 109 millions de Russes sont appelés aux urnes ce dimanche pour élire leur président dans un climat empreint d'une certaine tension compte tenu des soupçons de fraudes. Le Premier ministre, Vladimir Poutine, fait figure de grand favori.
C'est jour d'élection, ce dimanche 4 mars, en Russie. Les quelque 109 millions d'électeurs que compte le pays doivent affronter le vent glacial et les températures négatives pour se rendre dans les bureaux de vote et élire leur président pour une durée de six ans. Une journée qui sera toutefois marquée par une certaine tension compte tenu des soupçons de fraudes qui planent sur le scrutin.
itSelon les derniers sondages, l'actuel Premier ministre russe, Vladimir Poutine, qui fait pourtant face à une contestation sans précédent, n'aurait même pas besoin d'un second tour pour accéder une nouvelle fois au Kremlin. Le favori de la course à la présidence bénéficie d'environ 56 % des intentions de vote, bien loin devant les quatre autres candidats : le leader communiste Guennadi Ziouganov (15 %), le nationaliste Vladimir Jirinovski (8 %), le milliardaire Mikhaïl Prokhorov (6 %) et Sergueï Mironov (5 %), du parti de centre-gauche Russie juste.
Omniprésence dans les médias
Selon Golos, l'ONG indépendante chargée de surveiller le scrutin et de traquer les fraudes, ces chiffres s'expliquent par une campagne présidentielle nettement favorable à Vladimir Poutine, qui espère retourner au Kremlin après l'avoir quitté en 2008 au terme de deux mandats consécutifs. "La loi, qui obligeait les candidats occupant des postes ministériels à démissionner pendant la campagne, a été modifiée récemment, indique Arkadi Lubarev, expert travaillant au sein de l'organisation. Poutine en a donc profité pour se servir de sa fonction de Premier ministre pour faire campagne."
Résultat : Poutine, qui avait refusé de débattre avec ses concurrents sur des plateaux télévisés, a bénéficié de 70 % de temps d'antenne à la télévision publique contre 30 % pour les autres candidats. "Des organisations ont même constaté que son nom avait été bien plus cité dans les médias que celui de Dmitri Medvedev, qui est pourtant encore le président", ajoute Lubarev.
À cela se sont ajoutées les multiples tribunes que le Premier ministre a publiées dans divers journaux, à l'image de "Izvestia" et "Vedomosti", deux quotidiens proches du pouvoir. "Ces articles lui ont en fait servi de couverture pour distiller son programme en vue de l'élection", juge Arkadi Lubarev.
L'association financée par des fonds occidentaux (Union européenne, États-Unis, Royaume-Uni et Pays-Bas) dénonce également les pressions exercées sur des organes indépendants durant la campagne. En février, les salariés de Golos avaient été contraints de quitter leur bureau de Moscou. Raison officielle : les propriétaires voulaient faire des travaux. Les membres de l'ONG pensent plutôt que "la décision venait de plus haut". En novembre 2011, Vladimir Poutine avait comparé à "Judas" les ONG travaillant avec l'aide de financements étrangers.
Pour ce scrutin présidentiel, Golos craint surtout différents types d'irrégularités : des entreprises qui forcent leurs employés à se rendre aux urnes pour voter pour le bon candidat, les régions qui doivent répondre à des objectifs concernant le taux de participation ou encore le score des candidats.
Lors du scrutin législatif du 4 décembre dernier, l'association avait recensé de nombreuses fraudes, surtout à Moscou. "Selon nos calculs, s'il n'y avait pas eu de fraudes, Russie unie, le parti de Poutine, n'aurait pas eu la majorité à la Douma", estime Lubarev.
180 000 webcams de surveillance
Pour la présidentielle, la victoire du Premier ministre ne fait aucun doute. Élu une première fois en 2000 avec 53 % des suffrages alors qu'il était chef de l'État par intérim à la suite de la démission de Boris Eltsine, Vladimir Poutine avait été réélu triomphalement en 2004, avec plus de 71 % des voix.
Afin d'éviter tout soupçon de fraudes cette fois-ci, le gouvernement de Poutine a mis en place 180 000 webcams de surveillance dans 90 000 bureaux de vote, sur les 95 000 que compte le pays. Des observateurs internationaux seront également sur place pour s'assurer du bon fonctionnement du scrutin.
De son côté, l'ONG anime sur son site Internet une carte des fraudes électorales tout au long de la journée. Lors des législatives du 4 décembre, leur site avait rencontré des problèmes, leurs mails avaient été spamés et leurs téléphones bloqués. "Cette fois-ci, on est parés pour y remédier si ça se reproduit", prévient Lubarev.