, envoyée spéciale à Moscou – Alors que les résultats de l'élection du 4 mars semble acquis, un théâtre moscovite propose un regard satirique sur le (très probable) prochain président russe Vladimir Poutine. La pièce "BerlusPoutine" fait salle comble depuis plusieurs semaines.
Depuis son arrivée au pouvoir en 2000, Vladimir Poutine s'attache à cultiver son image d'homme fort. L'ancien président et actuel Premier ministre russe se met régulièrement en scène, que ce soit pour bomber le torse, conduire une voiture de Formule 1 ou faire une démonstration de judo.
Mais depuis quelques semaines, l'image de l'ancien agent du KGB est quelque peu écornée à Moscou. En cause : une pièce satirique du nom de "BerlusPoutine", adaptée de la pièce du dramaturge italien et prix Nobel de littérature Dario Fo, "L'anomalo bicefalo" ("Le monstre bicéphale").
Dans la version russe, Vladimir Poutine reçoit en greffe la moitié du cerveau de l'ancien chef du gouvernement italien Silvio Berlusconi, suite au décès de ce dernier. L'occasion de dresser un portrait caustique du Premier ministre russe et de mettre en scène toutes les rumeurs et conspirations dont il fait l'objet depuis plusieurs années. "On n'essaie pas de dresser un profil psychologique du Premier ministre", explique Sergueï Epishev qui incarne le rôle de Vladimir Poutine dans cette pièce. "On propose une représentation en se basant sur ses déclarations publiques, les informations et les rumeurs."
Medvedev égratigné au passage
La pièce se penche également sur les accusations de corruption qui pèsent sur l'entourage de Vladimir Poutine, qui s'est considérablement enrichi durant ses différents mandats, ainsi que les soupçons de fraudes qui ont entaché les dernières élections en Russie. L'image de "Botox", comme le surnomme ses détracteurs en raison de ces multiples injections pour rester jeune, en prend un sacré coup au point de voir le Premier ministre russe se transformer dans les dernières scènes en Dobby, l'elfe d'Harry Potter.
Même sa vie privée n'est pas épargnée. Vladimir Poutine, qui a pour habitude de rester très discret dans ce domaine, voit sa femme Lioudmila placée dans un couvent, comme les rumeurs en font état, et la gymnaste Alina Kabaïeva - soupçonnée d'avoir eu une laision avec lui - apparaître dans ses fantasmes.
L'actuel président Dmitri Medvedev, qui est déjà pressenti pour reprendre le poste de Premier ministre, est également égratigné au passage. Maître des nouvelles technologies de l'information, il est rebaptisé "le petit iPhone" et incarne la marionnette de Vladimir Poutine.
"Vingt ans de silence et de passivité"
Cette pièce qui se joue au Teatr.doc - un lieu qui aime conjuguer théâtre et politique - ravit les spectateurs qui rient aux eclats. "L"idée principale était de montrer notre position politique après vingt ans de silence et de passivité", commente la metteuse en scène Varvara Faier. "Les gens qui viennent ici ne veulent plus être humiliés comme ils le sont par le gouvernement." Et d'ajouter : "Quand on dit que le peuple n'est pas prêt pour la démocratie, c'est faux. On est prêts !"
Pour Sergueï Epichev, le ton est plus mesuré :"On n'essaie pas de dresser un profil psychologique du Premier ministre. On s'inspire juste de ses discours, des informations et des rumeurs pour monter une parodie", indique-t-il. "Mais c'est intéressant de jouer ce style de rôle en Russie car personnellement, je ne suis pas content de la situation politique actuelle", finit-il par lâcher.
La pièce qui se joue depuis mi-février, et affiche complet jusqu'en avril, est un succès qui ne semble pas déranger le gouvernement. Varvara Faier explique n'avoir eu aucune barrière politique pour monter ce spectacle mais souligne toutefois n'avoir pas pu faire imprimer les affiches. "J'ai essuyé deux refus d'imprimeur car le visage de Vladimir Poutine est mis en scène", conclut-elle.