
La proposition de François Hollande d’instaurer une nouvelle tranche d’imposition pour les revenus les plus élevés a été largement commentée mardi. Gadget électoraliste pour certains, mesure non dénuée d’intérêt économique pour d'autres.
Ils lui disent merci et se déchaînent contre lui. Les membres de la majorité présidentielle ont réagi, mardi, sur la proposition formulée la veille par le candidat socialiste, François Hollande, d’instaurer une nouvelle tranche d’imposition à 75 % pour les contribuables qui gagnent plus d’un million d’euros par an.
itPour les flingueurs du président sortant Nicolas Sarkozy, la proposition de François Hollande est du pain béni et permet de dépeindre leur adversaire en excité de l’imposition tous azimuts. ”Cela relève de l’improvisation permanente”, a estimé mardi Luc Châtel, le ministre de l’Éducation, sur Europe 1, rappelant que rien de tel n’était inscrit dans le programme du candidat socialiste. Le locataire de Bercy, François Baroin, a lui dénoncé une “mesure de spoliation” et son homologue à la Défense, Gérard Longuet, a conseillé à François Hollande de “réflechir avant de parler”.
Une vision simpliste pour le spécialiste de la fiscalité du patrimoine Gabriel Zucman. Cet économiste, chercheur à l’École d’économie de Paris, explique à FRANCE 24 pourquoi la proposition de François Hollande est plus qu’un gadget électoraliste.
FRANCE 24 : L’ancien Premier ministre UMP, Jean-Pierre Raffarin, qualifie la proposition de François Hollande d’initiative à destination électorale. Pensez-vous également qu'il s'agit d'un effet d’annonce ?
Gabriel Zucman : Instaurer une nouvelle tranche d’imposition à 75 % pour les plus gros revenus a un sens économique indéniable. C’est une manière pour la puissance publique de mettre un holà à des rémunérations qui n’ont pas de légitimité très forte et font même souvent peser un risque sur la société.
En effet, les quelques milliers de Français qui gagnent plus d’un million d’euros par an sont soit des dirigeants de grands groupes dont le salaire est fixé par des conseils d’administration où siègent leur pairs, soit des spécialistes de la finance qui ont pris des risques énormes pour gagner gros. Imposer un taux à 75 % leur démontre que l’État déplore la manière dont ils ont gagné ces sommes car cela a un coût pour la société ; que la prise de risques et le creusement des inégalités doivent cesser.
F24 : Mais annoncer une mesure qui ne concernera que quelques milliers de personnes, est-ce vraiment la priorité du moment ?
G. Z. : Encore heureux que cette nouvelle tranche ne concerne pas plus de contribuables. Il est impossible de taxer trop de personnes à 75 % de leurs revenus. Certes, cette proposition n'aura pas un impact considérable sur les recettes fiscales, mais sa logique qui est de dire que l’impôt doit être juste et qu’il peut servir pour tenter d’arrêter des dérives potentiellement dangereuses pour la société me semble important.
F24 : Mais avec les niches et l’évasion fiscales cette mesure n’est-elle pas condamnée à l’échec ?
G. Z. : Il n’y a aucune preuve concrète que la pression fiscale entraîne un exil massif des contribuables. Il y a tout au plus quelques centaines de Français qui se domicilient chaque année dans un pays au régime fiscal plus doux. Il faut donc arrêter de dire que c’est un problème.
En revanche, il est évident que l’impôt sur le revenu ne fonctionne plus aujourd’hui. À cause des nombreuses niches fiscales, il rapporte moitié moins à l’État que la CSG (contribution sociale généralisée) dont le taux n’est pourtant que de 8 %. Dans ce contexte, je pense que François Hollande se trompe en voulant simplement ajouter une nouvelle tranche au système existant. Ca ne sera réellement efficace que s’il engage une profonde réforme de l’impôt sur le revenu qui intègre sa nouvelle proposition.