
Selon des résultats partiels, l'opposant Macky Sall (à dr.) est parvenu à mettre en ballottage Abdoulaye Wade, qui brigue un troisième mandat à la tête du Sénégal. Le camp du président sortant a reconnu la nécessité d'un second tour.
Dans une interview accordée à l’hebdomadaire français "Le Journal du Dimanche", Abdoulaye Wade avait assuré qu’il obtiendrait une majorité "écrasante" dès le premier tour de la présidentielle qui s'est tenu le 26 février. Finalement, selon des résultats partiels, l'actuel numéro un sénégalais se retrouve au coude-à-coude avec son ancien Premier ministre et principal opposant Macky Sall. Les deux candidats devraient donc s'affronter lors d’un second tour qui se tiendrait entre le 18 mars et le 1er avril.
Les résultats partiels publiés mardi 28 février ont donné Abdoulaye Wade en tête. "Les résultats concernent 30 des 45 départements sénégalais, a déclaré Amadou Sall, l'un des porte-parole du président sortant. Abdoulaye Wade est au dessus de 35 %, on arrivera peut-être à 40 %". Loin donc derrière la barre des 50 % que Wade disait espérer.
Dès le lendemain du scrutin, Macky Sall affichait un inébranlable optimisme quant à la tenue d'un second tour : "Les chiffres en notre possession indiquent qu’un second tour est inévitable. Nous avons gagné les plus grands départements du Sénégal", avait-il déclaré à l’AFP.
itWade battu dans son propre bureau de vote
Le camp d'Abdoulaye Wade, en revanche, a attendu mardi pour admettre la tenue d'un second tour. Lundi cependant, le président sortant avait déclaré qu'il "explorait toutes les possibilités d'entente avec d'autres forces politiques", s'il n'atteignait pas la majorité absolue des voix dès le premier tour.
Selon Philippe Hugon, chercheur à l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS) et spécialiste du Sénégal, Macky Sall serait bien placé pour remporter l’élection présidentielle en cas de second tour. "Sall a le potentiel pour rallier à lui une opposition divisée, explique le chercheur. Il n’a pas beaucoup de charisme mais il est très compétent et il est capable d’apaiser les tensions. Il a de bonnes chances de gagner".
Selon Fatimata Wane-Sagna, envoyée spéciale de FRANCE 24 à Dakar, Wade a été battu dans son propre bureau de vote, le Point E, à Dakar, où le candidat Moustapha Niasse l’a largement devancé. "C’est le signe que les choses changent et les Sénégalais ont prouvé qu’ils pouvaient faire entendre leur désaccord avec le président", a ajouté la journaliste.
Dimanche, le chef de l’État est arrivé à son bureau de vote sous les huées d'une centaine de personnes pendant qu’une dizaine de ses partisans tentaient en vain de faire entendre quelques applaudissements. La foule a scandé en wolof "Wade, dégage", obligeant l’entourage du président à précipiter sa sortie. Il n’a fait aucune déclaration.
La candidature du président sortant a provoqué une vive polémique, déclenchant une vague de violence dans les semaines qui ont précédé le scrutin. Ses opposants l’ont accusé de violer la Constitution qui limite à deux le nombre de mandats présidentiels consécutifs. Depuis le 27 janvier, jour où la Cour suprême a autorisé Wade à se porter candidat, au moins six personnes sont mortes dans des heurts entre opposants et policiers.
"Maturité des Sénégalais"
"Le jour du scrutin, on craignait que des violences n'éclatent, témoigne Fatimata Wane-Sagna. Certains redoutaient même un report de l’élection. Mais finalement, les Sénégalais se sont rendus aux urnes dans le calme, et massivement." De nombreux électeurs, interrogés dans les longues files d’attente s’étalant à l’extérieur des bureaux de vote, brandissaient leur carte d’électeur, affirmant qu’elle était leur "seule arme".
"Les Sénégalais viennent de prouver encore une fois leur maturité et leur confiance dans le processus électoral, s’est réjouit Doudou Ndir, président de la Commission électorale nationale autonome (Cena), au micro de RFI. Ce jour a été un grand jour pour le Sénégal".