Inauguré samedi par Nicolas Sarkozy, le Salon de l’Agriculture est chaque année l’occasion de visites hautement médiatiques pour les politiques. À deux mois de la présidentielle, cette plongée dans le monde rural revêt un caractère tout particulier.
Chaque année, à la même période, c’est l’effervescence au Parc des Expositions de la Porte de Versailles, à Paris. Machines agricoles, produits des terroirs et animaux de la ferme : autant d’attractions pour les quelque 600 000 visiteurs qui foulent tous les ans le sol du Salon. Et si le monde rural est à l’honneur, des spécimens d’un autre genre attirent également les regards : les politiques.
Incarner les valeurs du monde rural
Avec seulement 3% de sa population active dans le monde rural, la France se tourne de moins en moins vers l’agriculture. Malgré leur faible influence sur le scrutin, les agriculteurs recevront pourtant, dans les prochains jours, la visite de tous les candidats à l’élection. En effet, impensable pour tout politique qui se respecte de ne pas venir vanter les charmes et les bons produits de la campagne française, notamment en pleine période électorale.
Traditionnellement à droite, l’électorat paysan penche pour le candidat Nicolas Sarkozy, crédité de 68% d’intentions de votes au 2nd tour par les électeurs issus du milieu agricole, selon un sondage réalisé par BVA. Frédéric Nihous, le candidat de Chasse, pêche et tradition, a quant à lui appelé, mercredi 22 février, à voter pour le candidat UMP après avoir jeté l’éponge pour la course à la présidence.
Mais tout homme politique, qu’il soit de droite ou de gauche, se doit d’incarner les valeurs des terroirs. Le tour par les allées fermières du Salon est aussi l’occasion de se dérider quelque peu devant les caméras et de se montrer sous un jour plus décontracté. Car cette opération séduction a aussi une cible plus large que le monde rural : ce sont en réalité les Français, dans leur globalité, qui sont visés.
En draguant les agriculteurs, le politique veut séduire tous les Français
Réel intérêt pour le monde agricole ou grosse opération communication ? "Se rendre au Salon de l’Agriculture ne veut pas seulement dire courtiser les agriculteurs, cela permet, par extension, aux candidats de redorer leur image auprès des Français en général," commente Eric Bonnet, directeur d'études politiques chez BVA Opinion : "Les urbains aussi aiment que leur candidat soit proche des campagnes. Dans l’inconscient des électeurs, la campagne est liée aux grands-parents, à l’Histoire de la France. C’est donc important."
Le candidat Chirac l'avait bien compris : le grand absent de l'édition 2012 du Salon avait, en son temps, largement exploité l’événement, ne ratant pour rien au monde ce rendez-vous annuel. Celui qui avait choisi un pommier comme emblème de sa campagne, en 1995, savait cultiver son image de bon vivant, proche des gens, à grand renfort de compliments aux producteurs de vin et de caresses aux vaches. "Cette méthode lui a été particulièrement bénéfique lors de l'élection de 1995", estime Eric Bonnet.
Un problème d'image pour le candidat Sarkozy
Un naturel et une spontanéité avec les ruraux qui fait défaut à Nicolas Sarkozy, qui n’a eu de cesse de vouloir gommer son image de président bling-bling et citadin. D’ailleurs l’agressif "casse-toi pauvre con" lâché en 2008 à un visiteur qui refusait de lui serrer la main restera davantage dans les mémoires que son temps record - quatre heures - passé cette année à arpenter les stands. Samedi, le président a surtout profité de l’inauguration pour écorcher ses rivaux - notamment le candidat socialiste, qui a prévu de passer dix longues heures au milieu des bestiaux, mardi prochain. "Il doit avoir bien des choses à se faire pardonner," a-t-il raillé.
Dimanche, c’était au tour de François Bayrou, candidat du Modem, de fouler le sol du Parc des expositions. Fils de paysan, éleveur lui-même, il s'est présenté comme le seul candidat à comprendre de l'intérieur les problèmes des agriculteurs. Le Béarnais, qui sait ce que c’est que de "faire naître des veaux", se targue d’avoir été propulsé à la tête d’une exploitation agricole à la mort de son père.
Hollande entend bien combler son retard
À gauche, malgré des sondages défavorables - seulement 18% des agriculteurs voteraient pour un candidat de gauche au premier tour, selon BVA -, on affirme également son engagement pour la cause rurale. Pierre Moscovici, directeur de campagne de François Hollande, a déclaré dimanche que les agriculteurs seront "mieux défendus" au niveau européen si le candidat PS, élu du département rural de la Corrèze, entre à l’Elysée. Attendu mardi, le candidat socialiste imitera ses prédécesseurs. On se souviendra notamment de Ségolène Royal, lors de la campagne de 2007, en train de caresser un agneau. En 2001, Lionel Jospin, alors Premier ministre, avait quant à lui été pris à partie par des éleveurs qui lui avaient jeté des œufs.
Quant au Front national, il n’est pas en reste. En pleine polémique sur la viande halal et à quelques jours de sa visite, Marine Le Pen, en 2e position dans les sondages réalisés auprès des agriculteurs, s’est positionnée dimanche en championne de la "France rurale".