Le basketteur américain d’origine taïwanaise, Jeremy Lin, parfait inconnu il y a encore 10 jours, est devenu le nouveau phénomène de la NBA en inscrivant plus de 160 points en six matches. La légende est née.
C’est l’histoire d’un basketteur californien d’origine taïwanaise de 23 ans, mesurant 1,91 m et diplômé d’Harvard, l’une des plus prestigieuses universités américaines. Joueur de basket quelconque jusqu’à présent, Jeremy Lin vient d'inscrire 161 points lors des six derniers matches de son équipe.
Cantonné habituellement aux bancs de touche, le meneur de jeu des New York Knicks est sorti de l’ombre le 4 février dernier lors d’un match face aux New Jersey Nets. Auteur de 25 points, 5 rebonds et 7 passes décisives, il a activement participé à la victoire de son équipe.
Depuis le souffle ne retombe pas. Lin totalise 161 points en six matches, dont 38 le 10 février dernier face aux Lakers de Kobe Bryant au Madison Square Garden. La franchise new-yorkaise est invaincue depuis l’éclosion du "phénomène". Et ce mardi soir face aux Toronto Raptors, c’est encore Lin qui a donné la victoire aux siens en envoyant un tir à trois points victorieux à une demi-seconde de la sirène. La légende est née… "Lin-sanity" comme le surnomme le public américain est devenu un héros.
Nous avons donc voulu en savoir plus sur Jeremy Lin et ses performances outre-Atlantique. Fabrice Auclert, rédacteur en chef du site internet BasketUSA.com, répond aux questions de FRANCE 24.
- En 10 jours, Jeremy Lin pèse déjà 14 millions de dollars, soit autant que Kobe Bryant. Il constitue la plus grosse progression mondiale d’une marque d’un champion sportif dans l’histoire du sport (Source: Forbes)
- Le maillot de Lin floqué du n°17 est désormais le plus vendu depuis le début de la saison devant ceux de Kobe Bryant ou Lebron James
- Grâce à Jeremy Lin, le merchandising des Knicks est actuellement supérieur à celui de n’importe quel autre franchise NBA (Source: Businessweek)
- Nike s’apprête à lancer une chaussure siglée du nom de Jeremy Lin
- Depuis son éclosion début février, l’action des Knicks s’est envolée (de 29 dollars début février à 32,5 dollars ce mercredi)
- A Taïwan, les paris sportifs concernant les résultats des Knicks ont augmenté de 50%
- Son nombre d’abonnés Twitter explose (290.391)
- L’audience des Knicks à la télévision a progressé de 66%
- L’affluence dans les salles augmente lors du passage des Knicks et de Jeremy Lin
FRANCE 24 : Qui est véritablement Jeremy Lin ?
Fabrice Auclert : À l’origine, Lin est un joueur parmi des milliers. Diplômé d’Harvard en 2010, il n’a pas été drafté par les franchises américaines [ndlr : seuls les 60 meilleurs joueurs universitaires ou européens d’une classe d’âge sont recrutés chaque année]. Il est donc un joueur "libre" effectuant des piges dans quelques clubs, sans grand succès (Dallas Mavericks, Golden State Warriors).
En décembre dernier, Lin atterrit chez les Knicks de New York où il trouve finalement une place sur le banc. Sa présence sur le parquet ne dépasse jamais les dix minutes jusqu’à cette fameuse date du 4 février dernier. Son entraîneur Mike D’Antoni décide alors de faire appel à lui car les blessures s’accumulent dans son équipe. Lin inscrit 25 points et les Knicks s'imposent face aux New Jersey Nets. L’histoire est en marche…
F24 : Comment expliquer un tel phénomène ?
F.A. : Quinze ans que je suis la NBA et je n’ai jamais vu ça. J’ai même du mal à comparer cet exploit avec un phénomène similaire dans un autre sport. Au départ, on pouvait dire que c’était la chance du débutant, mais là il prouve qu’il a un vrai talent.
C’est Hollywood ! Si cela s’était passé à Memphis par exemple, on n’en parlerait plus. Mais là c’est New York ! Les Knicks cherchent à retrouver leur gloire d’antan et la communauté asiatique est très présente dans la ville (14 % de la population de New York).
Il tombe vraiment au bon moment. Dans le cœur des supporters asiatiques, Jeremy Lin est le digne successeur du basketteur chinois Yao Ming parti à la retraite en fin de saison dernière. De plus, son éclosion survient après cinq mois de grève en NBA. C’est vraiment ce qui pouvait arriver de mieux. La NBA aime ce genre d’histoires.
F24 : Sur un plan strictement sportif, Jeremy Lin est-il un bon joueur ?
F.A. : Il va falloir évaluer ses performances dans la durée pour répondre à cette question. Lin joue actuellement 30 minutes par match, alors que jusqu’à présent il était plutôt habitué à cinq. Sur le plan physique ce n’est pas la même chose ; pas sûr qu’il tienne le coup.
En ce moment, Lin évolue sans pression. Tous les systèmes de jeu sont pour lui et les deux grandes stars de la franchise (Carmelo Anthony et Amare Stoudemire) sont absentes. Quand tout le monde sera là, ce sera une autre histoire. On pourra donc faire un bilan plus complet dans 10 à 15 matches.
F24 : La ferveur autour de Jeremy Lin peut-elle retomber aussi vite qu’elle est apparue ?
F.A. : Non pour moi ,c’est irréversible. Lin montre tous les jours qu’il a une tête bien faite. C’est le héros parfait. Il n’est pas arrogant, n’a pas la grosse tête. Il reste le même malgré la frénésie autour de sa personne, c’est du jamais-vu !
Il vit toujours chez son frère en attendant de trouver un appartement. Il va voir jouer son jeune frère dans des petites salles. Même dans ces déclarations, il fait preuve de lucidité et c’est lui qui refroidit l’enthousiasme ambiant.
F24 : Pour terminer, êtes-vous d’accord avec le boxeur américain Floyd Mayweather qui a déclaré que la frénésie autour de Jeremy Lin était dû à ses origines plutôt qu’à ses qualités de basketteur ?
F.A. : Aucunement. Si cela avait été un Français ou un joueur Afro-Américain cela aurait été pareil. Peu importe la couleur de peau, on ne marque pas 161 points en six matches parce que l’on est d’origine taïwanaise. Lin est un joueur d’exception. Après niveau marketing, c’est autre chose… Jeremy Lin est vraiment quelqu’un de simple. Il est l’exemple même du rêve américain.