Nombre de puissances ont dénoncé le veto que la Chine et la Russie ont opposé au projet de résolution du Conseil de sécurité condamnant la répression en Syrie. Le chef de la diplomatie française a souligné leur "terrible responsabilité".
AFP - La Chine et la Russie ont opposé leur veto samedi à un projet de résolution du Conseil de sécurité de l'ONU condamnant la répression en Syrie, s'attirant de vives critiques de l'Occident quelques heures après un bombardement meurtrier à Homs.
Selon l'opposition syrienne, le "massacre" de Homs (centre de la Syrie) qui a tué plus de 230 civils, est l'épisode le plus meurtrier depuis le début de la révolte populaire en mars 2011.
C'est la deuxième fois que Moscou et Pékin empêchent le Conseil de sécurité de sortir de onze mois de silence sur la Syrie, pendant lesquels la répression a fait au moins 6.000 morts selon les militants. Un veto des deux pays avait bloqué une précédente résolution en octobre 2011.
Cette fois-ci, les 13 autres membres du Conseil ont voté en faveur du texte, qui condamnait les "violations flagrantes" des droits de l'homme par le régime syrien et appelait à une transition démocratique suivant le plan de la Ligue arabe du 22 janvier.
Ce blocage a été dénoncé d'autant plus vivement qu'il intervient quelques heures après le bombardement de Homs.
Pour la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton, le veto russo-chinois revient "à endosser la responsabilité des horreurs qui se produisent en Syrie". "Sans une action commune, avec la communauté internationale, je crains que la fin de partie ne soit la guerre civile", a-t-elle affirmé.
Le président français Nicolas Sarkozy a "déploré vivement" le double veto et affirmé que "la tragédie syrienne doit cesser".
Moscou et Pékin, en opposant leur veto, "portent une terrible responsabilité", a pour sa part dclaré le chef de la diplomatie française Alain Juppé.
Le ministre britannique des Affaires étrangères William Hague a accusé la Russie et la Chine d'avoir "abandonné" le peuple syrien et "encouragé le régime brutal du président (Bachar) al-Assad à commettre davantage de tueries comme cela a été fait à Homs". Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a déploré que le rôle de l'ONU en soit "amoindri".
Les Occidentaux avaient insisté pour que le vote ait lieu dès samedi, alors que la Russie répétait que le texte ne lui convenait "absolument pas" et annonçait une visite mardi à Damas de son chef de la diplomatie, Sergueï Lavrov, pour tenter de trouver une issue pacifique à la crise.
L'ambassadeur russe Vitaly Tchourkine a estimé devant la presse que "le Conseil de sécurité n'est pas le seul outil diplomatique sur cette planète". "D'autres outils vont être utilisés de manière énergique", a-t-il ajouté en référence à la démarche de M. Lavrov.
L'ambassadrice américaine Susan Rice a confirmé que les Russes avaient demandé que le vote soit reporté à la semaine prochaine. "Mais quand des gens meurent chaque jour et que les habitants de Homs sont attaqués, a-t-elle dit, il n'est pas question d'attendre".
Selon l'opposition syrienne, plus de 230 civils, dont des dizaines de femmes et d'enfants,
ont été tués dans des bombardements de l'armée syrienne à Homs avant l'aube.
Damas a démenti avoir bombardé Homs, surnommée "la capitale de la révolution" et accusé l'opposition d'avoir elle-même incité "les groupes terroristes" à pilonner la ville pour influencer le vote à l'ONU.
Il était difficile d'obtenir des informations de source indépendante sur le bilan à Homs en raison des restrictions imposées à la presse étrangère.
Selon des témoins, le pilonnage a duré trois heures. Plusieurs bâtiments ont été détruits, d'autres sérieusement endommagés.
Les hôpitaux croulaient sous l'afflux des blessés. "Ils ont besoin de sang, de médicaments, de matériel médical, et beaucoup de blessés sont encore bloqués sous les décombres", a déclaré à l'AFP Ahmad al-Qassir, un militant à Homs.
Et pendant que certains recherchaient des disparus, des milliers d'habitants participaient aux funérailles de leurs proches, au son des prières dans les mosquées et des cloches des églises.
"Près de 200 martyrs seront enterrés dans le jardin de la Liberté" dans le quartier de Khalidiyé, a déclaré à l'AFP par téléphone Hadi Abdallah, militant du quartier.
Selon le chef de l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), Rami Abdel Rahmane, le nombre des morts à Homs s'élève désormais à 237, dont 99 femmes et enfants.
Le Conseil national syrien (CNS), la principale coalition d'opposants, a pour sa part fait état de 260 morts et de centaines de blessés, parlant de l'un des "massacres les plus terrifiants" depuis mars.
Samedi, les forces du régime ont tiré sur une foule participant aux funérailles de victimes de la veille à Daraya près de Damas, faisant 12 morts et 30 blessés, selon l'OSDH. Au total les violences ont fait 48 morts (24 civils, 18 soldats, 6 déserteurs), selon la même source.
Les Comités locaux de coordination (LCC), groupe qui anime la contestation, ont eux appelé à "une grève de deuil de deux jours".
Les Frères musulmans, qui font partie du CNS, ont réclamé l'ouverture d'une enquête internationale et demandé à la Croix-Rouge internationale, "absente sur le terrain, d'agir immédiatement pour sauver les blessés".
De nombreux Syriens s'en sont pris à leurs ambassades, en particulier au Caire à Koweït, à Athènes et Londres. Et la Tunisie a annoncé qu'elle allait expulser l'ambassadeur syrien.