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La Russie dit non au nouveau projet de résolution de l'ONU

Les Russes refusent de soutenir "en l'état" le projet de résolution du Conseil de sécurité sur la Syrie, rejetant l'idée de "soutien total" au plan arabe qu'il prévoit. Ils laissent toutefois planer le doute sur l'utilisation de leur droit de veto.

REUTERS - Moscou ne peut toujours pas apporter son soutien au projet de résolution sur la Syrie, soutenu par les Occidentaux et la Ligue arabe, actuellement en discussion au Conseil de sécurité de l'Onu, a déclaré vendredi le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Guennadi Gatilov.

Il n'a pas précisé si son pays userait de son droit de veto ou s'abstiendrait lors du vote.

"Nous avons reçu le texte. Certaines de nos préoccupations et les préoccupations de ceux qui partagent nos idées ont été prises en compte mais ce n'est pas suffisant pour que nous lui apportions notre soutien sous sa forme actuelle", a dit Gatilov à l'agence de presse Interfax.

De sources diplomatiques aux Nations unies, on fait pourtant état de progrès dans les discussions et de l'espoir de voir la Russie s'abstenir lors du vote, voire d'appuyer le texte.

"Je pense que Moscou sera d'accord. Nous ne sommes pas sûrs à 100% mais je crois que les Russes ont obtenu les assurances qu'ils réclamaient", dit un diplomate sous le sceau de l'anonymat.

Le Maroc a fait circuler jeudi une version amendée du projet de résolution, l'ambassadeur russe Vitali Tchourkine ayant fait savoir qu'il userait de son droit de veto si la version
précédemment examinée était soumise vendredi au vote.

Moscou s'est notamment opposé à une phrase du projet qui souligne le "soutien total" du Conseil au plan arabe de sortie de crise prévoyant la mise à l'écart du président syrien, Bachar al Assad. Or les Russes estiment que le Conseil n'a pas à exiger un "changement de régime" en Syrie.

Cette phrase sur le "soutien total" figure toujours dans la nouvelle version du projet mais plusieurs diplomates estiment que les menaces de veto russe ont davantage à voir avec le calendrier qu'avec le contenu du texte et jugent que les Russes pourraient être convaincus de s'abstenir, voire de voter en faveur de la résolution.

"Transition politique"

La nouvelle version déclare clairement que le Conseil veut que la crise syrienne soit réglée pacifiquement et que cette résolution ne peut servir de base à une intervention militaire.

Elle appelle à "une transition politique conduite par les Syriens" et ne comporte plus aucune critique à l'égard des ventes d'armes à la Syrie. Surtout, elle ne reprend plus
explicitement les détails du plan de la Ligue arabe, qui appelle Assad à se démettre de ses fonctions et se contente de noter que le Conseil "soutient totalement" ce plan.

"Il a brandi cette menace, mais je ne pense qu'il n'aura pas nécessairement à la mettre en oeuvre", a déclaré un diplomate commentant les propos de l'ambassadeur russe. "Nous avons incorporé de nouveaux éléments de langage voulus par la Russie.
Il est encore possible d'éviter un veto", a-t-il ajouté.

A l'issue de la réunion de jeudi, qui s'est achevée tard, le représentant du Maroc, Mohammed Loulichki, a déclaré à la presse qu'il tenterait de soumettre "aussi vite que possible" le texte aux voix du Conseil de sécurité.

Son homologue américaine, Susan Rice, a fait preuve de prudence. "Nous avons eu ce que je qualifierais de discussions parfois difficiles mais au final fructueuses. Nous travaillons toujours. Ce n'est pas fait", a-t-elle dit.

La France entrevoit, elle, un vote ce vendredi, samedi ou lundi au plus tard.

REFUS D'UNE INTERVENTION MILITAIRE

S'exprimant jeudi soir devant la presse, Vitali Tchourkine s'était fait moins catégorique que lors de la session à huis clos. "Nous avons un texte que nous allons porter à la
connaissance de nos capitales", a-t-il dit, comparant les discussions en cours à "une sorte de Grand Huit" et soulignant que la présentation de cette version révisée "ne préjugeait de rien".

Le texte est soutenu par le Maroc, la France, la Grande-Bretagne, les Etats-Unis, l'Allemagne, le Portugal, la Colombie, le Togo, la Libye, Bahreïn, la Jordanie, le Koweït, le
Qatar, l'Arabie saoudite, les Emirats arabes unis, le sultanat d'Oman et la Turquie.

La répression du mouvement de contestation contre le régime de Bachar al Assad a fait, selon l'Onu, plus de 5.000 morts depuis la mi-mars.

En octobre, la Russie et la Chine ont opposé leur veto à un projet de résolution préparé par les Occidentaux qui aurait condamné le gouvernement d'Assad et menacé Damas de possibles sanctions.

Moscou a été échaudé par le précédent libyen et accuse les Occidentaux d'avoir exploité la formulation vague de la résolution 1973 adoptée en mars 2011, qui appelait à la mise en oeuvre d'une zone d'exclusion aérienne au-dessus de la Libye et à la protection des populations civiles, pour accélérer la chute de Mouammar Kadhafi.

Les Russes exigent donc que le projet de résolution sur la Syrie exclut explicitement tout recours à la force extérieure.

Si les discussions de vendredi achoppent encore, la question pourrait être abordée directement ce week-end par la secrétaire américaine d'Etat, Hillary Clinton, et le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, qui se rencontreront à une conférence annuelle sur la sécurité à Munich.