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En remportant largement les élections législatives anticipées, les islamistes, alliés aux nationalistes et aux indépendants, fragilisent le régime. Mais ce résultat n’augure pas forcément une stabilisation de la situation politique du pays.

Les électeurs koweïtiens ont attribué, jeudi 2 février, 23 des 50 sièges du Parlement aux islamistes sunnites lors des législatives anticipées organisées suite à la dissolution de l’ancien Parlement début décembre. Au total, l’opposition, composée de nationalistes et d'indépendants qui ont fait alliance, a raflé 34 des 50 sièges. Selon le spécialiste du Moyen-Orient Olivier Da Lage, cette alliance a bénéficié de la fronde populaire contre le climat de corruption dans le pays qui a conduit à la démission du Premier ministre le 28 novembre 2011.

Conséquence d’un climat politique tendu, les urnes ont sanctionné les députés progouvernementaux et la minorité chiite, à laquelle 7 sièges seulement ont été attribués dans la nouvelle chambre (contre 9 dans l’ancienne). Les 23 femmes candidates, dont quatre députées, ont, quant à elle, toutes été évincées.

Dans un pays où les querelles confessionnelles ont eu des effets néfastes sur le développement, les alliances des islamistes sunnites et des salafistes ont été déterminantes, selon Abdelwahad Khalfan, analyste politique.

Au Koweït, les partis politiques ne sont pas autorisés et les élus, ne représentant qu'eux-mêmes, s'allient au gré des événements.

Un reflet du printemps arabe ?

Habituellement considérés comme dociles, les Koweitiens ont surfé sur la vague du printemps arabe durant plusieurs semaines. En novembre 2011, des manifestants ont pris d’assaut le Parlement pour demander sa dissolution. Le 28 novembre 2011, le gouvernement, incarné par le Premier ministre Nasser Mohammed al-Ahmad Al-Sabah, membre de la famille régnante accusé de corruption, démissionnait.

"L’ambiance générale après le printemps arabe et les résultats des élections dans les autres pays ont donné du crédit aux salafistes, ce qui explique en partie leur victoire," commente Olivier Da Lage, journaliste spécialiste du Moyen-Orient.

Mais il tempère cependant ces résultats en rappelant que les chiites représentent toujours 30% de la population : "Ce que semblent démontrer ces élections, c’est que les salafistes ont surfé sur un mécontentement face à la corruption qui a touché le Koweït. Il faut nuancer cette victoire, c’est davantage une inflexion qu’une tendance", analyse-t-il. Et de poursuivre : "À l’instar de la Tunisie et de l’Egypte, le Koweït s’inscrit dans une tendance globale favorisant la victoire de mouvements qui se réclament d’un islam conservateur."

Où sont les femmes ?

Autre résultat notable pour un pays réputé pour son ouverture démocratique dans le Golfe : l’absence d’élues. En 2009, quatre Koweïtiennes accédaient pour la première fois au poste de députées. Cette fois-ci, la donne a changé et sur 23 candidates en lice, aucune n’a été retenue.

"Au sein de l’électorat, les femmes koweitiennes ne sont pas nécessairement plus progressistes que les hommes. Les candidates se sont certes fait battre car elles n’ont pas réussi à recueillir suffisamment de voix mais juridiquement, il n’y a aucun recul en ce qui concerne le statut des femmes," souligne Olivier Da Lage qui voit dans cet élément une confirmation de l’évolution conservatrice des mentalités.

Cette victoire apparaît toutefois mitigée car la majorité n’est pas autorisée à constituer le gouvernement, le Premier ministre étant nécessairement un membre de la famille régnante.

"Voyons ce que ces alliances vont donner, mais la situation politique est très instable au Koweït et la crise est loin d’être terminée," rappelle Abdelwahad Khalfan.