Alors que les habitants de Kano se recueillaient lundi après les attentats qui ont fait au moins 166 morts vendredi, la police a affirmé avoir découvert une centaine d'engins piégés dans la ville, dont huit voitures chargées d'explosifs.
AFP - La police a affirmé avoir découvert plus d'une centaine d'engins piégés en trois jours à Kano, dans le nord du Nigeria, où responsables politiques et chefs musulmans étaient réunis lundi pour prier en faveur de la paix, après les attaques meurtrières de vendredi.
Plusieurs assaillants qui ont mené les attaques coordonnées vendredi à Kano (nord du Nigeria) portaient des uniformes de la police alors même qu'ils tuaient des officiers, a affirmé lundi la police.
"J'ai vu quelqu'un portant un uniforme de policier avec une AK 47", a expliqué le commissaire Wellington Asiayei dans son lit d'hôpital.
Il venait d'entendre une explosion et fermait la porte de sa chambre quand il a vu un homme qui lui a dit : +Venez Monsieur, allons au quartier général, quelque chose est en train de se produire+ puis, explique-t-il, "je l'ai vu pointer son arme sur moi". Touché à la colonne vertébrale, il ne marchera plus jamais.
Un autre policier parlant sous le sceau de l'anonymat a affirmé que d'autres attaquants portaient également l'uniforme de la police. "C'était plutôt difficile pour nous car certains d'entre eux portaient nos uniformes et étaient dissimulés comme des membres des forces de l'ordre" a-t-il expliqué. "Cela a rendu la situation plus difficile". (AFP)
"Nous avons découvert jusqu'à présent plus d'une centaine d'engins piégés au cours de l'opération de recherche que nous avons lancé dans la ville", a indiqué à l'AFP un haut-responsable de la police, qui a requis l'anonymat.
"Beaucoup de bombes non-explosées ont été retrouvées autour du quartier général de la police" de Kano, l'une des principales cibles des assauts coordonnées de vendredi, a ajouté ce responsable, qui n'a cependant pas précisé la nature de ces engins artisanaux.
Il a également cité la présence de huit voitures chargées d'explosifs retrouvées garées dans des contre-allées en plusieurs secteurs de la ville.
Vendredi soir, plusieurs bombes avaient explosé et des affrontements à l'arme à feu avaient eu lieu pendant plusieurs heures lors d'attaques coordonnées lancées après la prière du soir dans Kano, seconde ville du Nigeria avec 4,5 millions d'habitants.
Un quartier général de la police et d'autres commissariats de police, ainsi qu'un immeuble de la police secrète et des bureaux de l'immigration avaient été visés.
Selon une organisation de secours, le bilan global est d'au moins 166 morts. Les autorités se contentent de dire que le nombre de morts dépasse la centaine. Selon un médecin de l'un des principaux hôpitaux de Kano, le bilan pourrait atteindre 250 morts.
Un porte-parole du groupe islamiste Boko Haram a revendiqué ces attaques dans un journal local, expliquant que le groupe avait agi en représailles après le refus du gouvernement de libérer plusieurs de ses membres emprisonnés.
Prières pour la paix
Le président nigérian Goodluck Jonathan s'est rendu sur place dimanche et a promis que la sécurité allait être "renforcée" dans la ville ainsi que dans d'autres parties du pays, affirmant que plusieurs suspects ont été arrêtés.
Le prix Nobel de littérature Wole Soyinka a appelé lundi ses compatriotes nigérians à s'abstenir de toute vengeance ou représailles, après une série d'attaques contre les chrétiens menées par le groupe islamiste Boko Haram.
"Nous ne devons pas accepter d'être soumis au bon vouloir de Boko Haram. Ne lancez pas de représailles, ne cédez pas à la vengeance, protégez vos voisins!", a déclaré M. Soyinka lors d'un rassemblement à Lagos, la capitale économique.
"Ils (Boko Haram) veulent vous pousser à bout. Ils veulent vous entraîner dans une spirale infernale où chaque voisin se retournera contre son voisin. Menez des actions préventives pour protéger ceux qui sont en danger autour de vous", a-t-il ajouté. (AFP)
Le président Jonathan est confronté à la pire crise qu'il ait connue depuis son accession au pouvoir en avril. Les violences font en effet craindre jusqu'à une guerre civile dans le pays le plus peuplé et premier producteur de pétrole d'Afrique, également touché par un fort mécontentement social.
"Je vais prier Dieu pour que nous ne revivions jamais la catastrophe qui a abouti aux morts et aux blessés dans notre ville", a déclaré lundi le gouverneur de l'Etat de Kano, Rabiu Musa Kwankwaso, lors d'une prière organisée dans une mosquée propriété de l'émir de la ville.
Le principal chef traditionnel musulman de Kano, l'émir Ado Bayero, a lancé aux religieux: "je vous enjoins de continuer à prier pour la paix et la stabilité dans notre ville. Je vous appelle à utiliser toutes les enceintes religieuses pour prier en faveur de la paix dans notre pays".
Le Nigeria est divisé entre un Nord essentiellement musulman et un Sud à majorité chrétienne.
Pour le sultan de Sokoto Sa'ad Abubakar, l'un des principaux chefs musulmans du pays, les violences à Kano "sont peut-être les pires en termes de pertes de vie et de biens". "Il est évident que le Nigeria traverse une période d'insécurité générale d'une importance énorme", a-t-il estimé dans un communiqué.
L'ancien président du Nigeria Olusegun Obasanjo s'est en revanche efforcé de minimiser l'ampleur de la crise. "Même si c'est un grand défi pour le peuple nigérian et son gouvernement, il n'ébranlera pas le Nigeria jusqu'à ses fondements. Nous avons connu de plus grands défis dans le passé", a-t-il déclaré dimanche soir en Gambie.
Le président Jonathan a promis que les personnes soutenant Boko Haram seraient démasquées et traduites en justice. Selon lui, des membres du groupe ont infiltré les instances de gouvernement du Nigeria, des agences de sécurité (police et armée) jusqu'au parlement et à l'exécutif.