logo

Le juge Garzon devant la justice pour avoir enquêté sur le franquisme

Magistrat mondialement connu pour avoir traqué l'ex-dictateur chilien Augusto Pinochet, le juge Baltasar Garzon comparaît devant la justice espagnol pour avoir tenté d'enquêter sur le passé franquiste du pays en dépit de loi d'amnistie de 1977.

AFP - Le juge Baltasar Garzon, connu dans le monde entier pour avoir défendu les droits de l'Homme et tenté d'enquêter sur le douloureux passé franquiste de l'Espagne, s'est assis mardi sur le banc des accusés pour deux procès successifs qui risquent de mettre fin à sa carrière.

Le magistrat, âgé de 56 ans, est arrivé, souriant, au Tribunal suprême de Madrid, applaudi par une petite centaine de ses partisans qui réclamaient justice pour les victimes du franquisme, dénonçant des poursuites qu'ils jugent "honteuses".

Cette semaine, le Tribunal suprême le juge dans une première affaire: il est accusé d'avoir ordonné des écoutes de conversations entre des suspects incarcérés et leurs avocats, en violation des droits de la défense, dans une enquête sur un réseau de corruption qui avait éclaboussé en 2009 la droite espagnole.

Suspendu de ses fonctions depuis mai 2010, mondialement connu pour avoir fait interpeller en 1998 à Londres l'ancien dictateur chilien Augusto Pinochet, le juge Garzon risque dans ce procès une interdiction d'exercer allant jusqu'à 17 ans, susceptible de signer la fin de sa carrière de magistrat.

Mais surtout, à partir du 24 janvier, le magistrat sera jugé pour avoir tenté de remuer le passé franquiste de l'Espagne, un dossier très sensible dans un pays où, 37 ans après la fin de la dictature, les blessures sont mal refermées.

Poursuivi par deux associations d'extrême droite, il est accusé d'avoir enfreint la loi d'amnistie votée par le Parlement espagnol en 1977, deux ans après la fin de la dictature, en voulant enquêter sur le sort de plus de 100.000 disparus de la Guerre civile (1936-39) et du franquisme (1939-75).

Pour le juge Garzon, ces disparitions forcées de civils, dont les corps n'ont jamais été retrouvés, constituent des crimes contre l'humanité imprescriptibles. Il risque dans cette affaire une interdiction de vingt ans.

Sa tentative d'enquêter sur ce dossier, entre 2006 et 2008, puis les poursuites engagées contre lui, avaient suscité un vif émoi en Espagne, choquant les milieux de gauche et associations de victimes. La droite l'avait accusé de rouvrir inutilement de vieilles blessures.

Mardi matin, des dizaines de partisans du juge s'étaient rassemblés devant le Tribunal suprême sous des banderoles portant les mots "contre l'impunité, solidarité avec les victimes du franquisme", "solidaires avec Garzon, contre les procès de la honte".

"Nous sommes devant un procès qui fait honte à la démocratie espagnole, en jugeant un innocent", a affirmé le député du petit parti de gauche Izquierda Unida, Gaspar Llamazares, parmi les partisans du juge.

"C'est le lynchage d'un juge qui précisément a voulu protéger les victimes et lutter contre la corruption", a-t-il lancé.

Parmi les manifestants qui huaient les magistrats s'apprêtant à siéger, Angel Fernandez, un retraité de 68 ans, expliquait être venu pour dénoncer une "injustice".

"Je ne comprends rien au droit mais je vois qu'il y a là une injustice, une corruption absolue, je vois que l'on ne juge pas ceux qui devraient être jugés".

Poursuivi dans ces deux affaires pour prévarication, ou manquement aux devoirs de sa charge, Baltasar Garzon est aussi mis en examen dans un troisième dossier, portant sur le paiement indirect par la banque espagnole Santander de conférences sur le terrorisme qu'il a données à New York en 2005 et 2006, après lesquelles il a classé sans suite une plainte contre Santander pour délit fiscal.

Aucune date n'a été fixée pour ce dernier procès.