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L'achat controversé d'UraMin par Areva tourne au scandale financier

Nouvelles révélations dans le dossier du rachat controversé en 2007 de la société d’extraction d’uranium UraMin par Areva : selon Le Parisien, le géant français de l’énergie aurait été victime d’une escroquerie.

Ce qui était présenté par l’État français en 2007 comme une “belle opération” d’Areva - l’acquisition pour près de 1,8 milliard d’euros de la société d’extraction d’uranium UraMin - est en train de se transformer en vrai sac de nœuds et, potentiellement, en scandale financier d’ampleur. Le numéro un français du nucléaire aurait, selon des informations publiées par le quotidien Le Parisien, en fait été la victime d’une escroquerie sans doute facilitée par des complices au sein du groupe.

Areva “a payé un prix excessif” pour UraMin et toute l’opération serait entachée par “un soupçon de délit d’initié”, affirme le 13 janvier au quotidien Marc Eichinger, directeur de la société d’audit Apic et auteur d’un rapport pour le compte d’Areva sur cette acquisition.

Ces révélations remettent sur le devant de la scène la question des responsabilités dans cette acquisition et notamment du rôle tenu par Anne Lauvergeon, alors patronne d'Areva. Un rebondissement qui intervient alors que cette dernière a engagé un bras de fer avec la nouvelle direction d'Areva qui a suspendu ses indemnités de licenciement. Décryptage d’une affaire aux multiples ramifications.

  • Qu’est-ce qu’UraMin ?

Cette société canadienne - mais immatriculée aux Îles Vierges - est spécialisée dans l’extraction d’uranium sur le continent africain. Fondée en 2005, elle détient trois gisements : en Namibie (Trekkopje), en République centrafricaine (Bakouma) et en Afrique du Sud (Ryst Kuil). Lorsqu’Areva s’en empare en juin 2007, l’entreprise n’a pas encore extrait une seule tonne d’uranium. En fait, elle n’a procédé qu’à des explorations.

  • Pourquoi Areva a-t-il acheté UraMin ?

En 2007, le prix de la tonne d’uranium s’envole et, selon un rapport de la banque d’affaires américaine Goldman Sachs, pourrait bien atteindre les 200 dollars. Areva cherche alors à diversifier ses sources d’approvisionnement d’uranium. Avant l’achat d’UraMin, le géant français dépendait presque exclusivement de mines d’uranium au Niger et aux Kazakhstan, deux pays jugés politiquement trop instables. Les trois sites d’extraction détenus par la société canadienne lui permettraient de mieux maîtriser son approvisionnement en uranium.

Mais Areva n’aurait jeté son dévolu sur UraMin que par défaut. À l’origine, le géant de l’énergie s’intéressait à la mine australienne d’Olympic Dam, l'une des plus grandes du monde. Mais l’Agence des participations de l’État et le ministère français de l’Économie s’étaient opposés à cette acquisition en 2005.

  • Areva a-t-il payé UraMin trop cher ?

C’est le principal reproche des détracteurs de cette acquisition. Fin 2006, UraMin ne valait que 300 millions de dollars. Mais entre le coup d’envoi des négociations avec Areva, début 2007, et l’OPA en juin 2007, le cours de l’action d’UraMin a été multiplié par près de 10... alors que les discussions étaient censées rester secrètes. Une flambée boursière qui fait dire à Marc Eichinger, dans les colonnes du Parisien, qu’il existe un “fort soupçon de délit d’initié”.

Par ailleurs, le principe même de l’achat d’UraMin est aujourd’hui remis en cause : Areva attend toujours de voir la couleur de l'uranium des gisements africains nouvellement acquis. La direction du groupe français a expliqué, fin 2011, que les ressources de son principal gisement, celui en Namibie, sont en fait inférieures de 40% à ce qui avait été annoncé lors de l’acquisition. Une découverte qui, conjuguée à la chute des prix de l’uranium consécutive à la catastrophe de Fukushima, a obligé le groupe à inscrire une dépréciation d’actifs de 1,5 milliard d’euros au titre de ces mines africaines. Un an plus tôt, Areva avait déjà dû se résoudre à une première dépréciation de la valeur d’UraMin de 426 millions d’euros.

  • Pourquoi parle-t-on aujourd’hui d’escroquerie ?

Pour Marc Eichinger, le conseil d’administration d’Areva a été induit en erreur sur les capacités réelles des trois mines détenues par UraMin. “Pour évaluer les réserves, Areva n’utilise que des documents proposés par la société SRK... rémunérée par le vendeur [UraMin, NDLR]”, explique-t-il au Parisien. En d’autres termes, ceux qui ont conseillé Areva n’auraient même pas jugé utile de procéder à une contre-expertise. Une légèreté que Marc Eichinger trouve pour le moins troublante...

  • Quel est la responsabilité d’Anne Lauvergeon dans cette acquisition ?

En tant que PDG d’Areva à l’époque de l’acquisition, elle l’a avalisée. Mais elle n’est pas la seule à avoir donné son accord à l’époque. En effet, l’État, qui est l’actionnaire majoritaire d’Areva, doit avaliser chacune de ses acquisitions dont le montant dépasse les 80 millions d’euros.