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La nomination par le CNT du nouveau chef des armées ne fait pas l'unanimité

Le nouveau commandant en chef de l'armée libyenne Youssef al-Mankouch (photo), nommé par le CNT mardi, est loin de faire l'unanimité dans les rangs des ex-rebelles. Décryptage.

Le Conseil national de transition libyen (CNT) a finalement désigné, mardi, le vice-ministre de la Défense et colonel à la retraite Youssef al-Mankouch au poste de chef d'état-major de l'armée libyenne. Une annonce surprise, car le nom de ce militaire de carrière, promu général aussitôt après sa nomination, ne figurait pas sur la liste des six hauts gradés proposés par les ex-rebelles. En décembre pourtant, le chef du CNT, Moustapha Abdeljalil, leur avait demandé de présenter un ou des candidats à ce poste.

Contrepied
Le revirement d’Abdeljalil a donc été très mal accueilli par certains groupes d'anciens rebelles qui ont refusé mercredi la nomination d’al-Mankouch. "Nous rejetons toute personne qui ne figure pas sur la liste des candidats présentés par les thowars (ex-rebelles)", a déclaré à Tripoli, Bahloul Assid, un des membres fondateurs de la Coalition des thowars de Libye, une organisation qui regroupe plusieurs factions de différentes régions. Et d’ajouter : "On s’était mis d'accord pour soutenir le candidat qui devait être sélectionné parmi la liste de noms proposés (...) Nous pensons que la procédure qui a conduit à la nomination de M. Mankouch est illégale". Face à la décision unilatérale du CNT, le Conseil militaire de la Cyrénaïque qui regroupe plusieurs brigades dans l'est du pays, a ainsi nommé son propre candidat, le général Salah Salem Al-Obeidi, chef d'état-major.
Autant de signes qui mettent en lumière les divisions et les rivalités qui règnent dans les rangs des ex-rebelles, notamment au sujet de ce poste, aussi stratégique que convoité, resté vacant depuis l'assassinat en juillet dernier d'Abdel Fattah Younès, qui commandait les forces rebelles dans l'Est libyen face aux pro-Kadhafi. "Cette nomination est une étape fondamentale pour réorganiser l'armée libyenne, mais cette démarche est compromise par le manque criant de confiance qui règne entre les différentes parties et par les ambitions personnelles autour des postes de commandement", analyse Abdelwahab Badrakhan, éditorialiste de la radio FRANCE 24 - Monte Carlo Doualiya
Un retraité populaire
En optant pour Al-Mankouch, le CNT chercherait pourtant selon les analystes à acheter la paix entre les différents clans. "Je pense qu’un choix de compromis a été fait, pour ne pas avoir à trancher entre les différents candidats et pour éviter d’aggraver les divisions", explique Dirk Vandewalle, professeur spécialiste de la Libye au Dartmouth College, aux États-Unis, interrogé par CNN.
Et pour cause, même si Al-Mankouch est un personnage de second plan, il jouit tout de même d’une certaine popularité en Libye. Originaire de Benghazi, le fief originel du CNT, formé en Egypte et en Union soviétique dans les années 1970, il combat dans les rangs de l’armée libyenne pendant la guerre du Tchad, dans les années 1980. Retraité au début des années 2000, il rejoint la rébellion dès les premiers jours du soulèvement contre l’ancien régime, en février sur le front Est. Il devient rapidement l’un des commandants des forces rebelles jusqu'en avril, puis est arrêté près de Brega par les forces loyales.
Il restera en détention dans la tristement célèbre prison d’Abou Salim, geôle des opposants au régime, jusqu’à la libération de Tripoli par les rebelles. Une captivité pendant laquelle Al-Mankouch se fait connaître des Libyens, en faisant preuve de courage malgré les intimidations que lui font subir les kadhafistes. Ainsi, il refuse notamment de renier son engagement auprès de la rébellion à la télévision publique, où il est emmené de force pour décrédibiliser le soulèvement. Au cours de la même interview, il est interrogé sur l’identité de la personne qui lui a accordé ses galons d’officier, il répond : "le colonel Kadhafi", sans utiliser les formules d’usage marquant la déférence au "Guide de la révolution". Un parcours sans faute, qui n’a pourtant pas trouvé grâce aux yeux des ex-rebelles.