logo

Et l'autoritaire Viktor Orban créa une Hongrie à son image

Entrée en vigueur le 1er janvier 2012, la nouvelle Constitution hongroise porte la marque des dérives autoritaires du Premier ministre conservateur, Viktor Orban. Et suscite l’inquiétude de la communauté internationale.

Pays à l'avant-garde de la lutte contre le joug communiste à la fin des années 1980, la Hongrie est aujourd’hui l’objet des regards soucieux de la communauté internationale, qui s’inquiète des dérives autoritaires de son Premier ministre, Viktor Orban. Après 18 mois passés au pouvoir marqués par de nombreuses réformes, dont une loi liberticide sur la presse en janvier 2011, Viktor Orban assiste aujourd’hui à l’entrée en vigueur de la nouvelle Constitution qu’il a fait voter en avril 2011.

Un texte qui grave dans le marbre un certain nombre de mesures politiques, économiques, judiciaires et sociales majeures qui ne pourront être modifiés qu’avec l’aval des deux tiers du Parlement, une majorité que détient aujourd’hui Fidesz, le parti au pouvoir, et que l’opposition risque d’avoir bien du mal à atteindre à l’avenir. Dans la nouvelle Loi fondamentale, Viktor Orban a en effet également imposé un nouveau découpage électoral si favorable à son parti qu’il rend hypothétique, selon l’opposition et nombre d’observateurs, toute alternance politique.

Mainmise du parti au pouvoir sur l’appareil étatique

Si d’aventure l'opposition parvenait à revenir au pouvoir dans les prochaines années, elle se heurterait par ailleurs à la farouche hostilité de l’appareil étatique. Après s’être assuré l’allégeance des secteurs-clés du pays en distribuant à ses proches les principaux postes à responsabilité dans la justice, l’économie, l’armée et la police, pour des mandats allant de 9 à 12 ans, Viktor Orban a fait inscrire dans la nouvelle Constitution la nomination par le Premier ministre des trois adjoints du directeur de la Banque centrale. L'actuel titulaire du poste, Andras Simor, virulent critique de la politique menée par Orban, a d’ailleurs vu ses attributions fondre comme neige au soleil. Cette disposition a provoqué l’ire de Bruxelles et du Fonds monétaire international (FMI), qui ont gelé les négociations visant à débloquer une aide pour la Hongrie plongée dans le marasme économique.

La nouvelle Constitution modifie également la règle du débat parlementaire. Le parti majoritaire au Parlement peut désormais modifier l’ordre du jour comme il l’entend et faire passer des lois sans que les textes n’aient véritablement fait l’objet de débats. Le nouveau texte instaure également un taux unique de 16 % de l’impôt sur le revenu dans le cadre d’une loi constitutionnelle de stabilité financière. Il s’insère en outre dans la sphère privée en considérant les embryons comme des êtres humains dès le début de la grossesse, laissant planer une remise en question du droit à l’avortement. Excluant de facto l’idée même des unions homosexuelles, elle considère par ailleurs qu’un mariage ne peut avoir lieu qu’entre un homme et une femme. Elle réduit en outre les communautés religieuses reconnues de 300 à 14, renforçant l’Église chrétienne au détriment des minorités religieuses.

"Que Dieu bénisse les Hongrois"

Dans le même sens, le texte constitutionnel fait explicitement référence à Dieu. "Que Dieu bénisse les Hongrois", indique désormais la Constitution, qui supprime l’appellation "République de Hongrie" au profit de la seule "Hongrie". Citée par le New York Times, l’opposante Timea Szabo résume : "[Le parti au pouvoir] prépare les funérailles de la République hongroise". En 2002, au lendemain de la défaite de son parti aux législatives, Viktor Orban avait prévenu : "la République n’est qu’un vêtement". Il l’a apparemment ôté.

L’Union européenne, l’Organisation pour la coopération et la sécurité en Europe (OSCE), l’ONU et les États-Unis s’en sont émus. Hillary Clinton, secrétaire d’État américaine, s’est fendue d’une lettre au Premier ministre hongrois dans laquelle elle s’interroge sur l’état de la démocratie en Hongrie. José Manuel Barroso, président de la Commission européenne, a quant à lui "recommandé instamment" à Viktor Orban d’oublier sa réforme de la Banque centrale qui nuit, selon lui, à l’indépendance de l’institution, et qui est incompatible avec la législation européenne.

Ce à quoi le Premier ministre a opposé un "non" sans appel. "Il n'y a personne au monde qui puisse intervenir dans le processus législatif hongrois, qui puisse dire aux députés élus par le peuple hongrois quelles lois ils peuvent ou ne peuvent pas voter ", a déclaré Viktor Orban à la radio nationale, avant d'ajouter : "Si quelqu’un nous aide avec de bons conseils, nous le remercions, s’il désire nous dévier de notre trajectoire, nous l’écartons poliment ".

L’Union européenne a jusqu’alors réagi assez mollement aux dérives autoritaires de Viktor Orban et de son parti. Pourtant, elle peut suspendre de ses droits tout pays membre portant atteinte aux valeurs fondamentales européennes. Une mesure dont Bruxelles n’a encore jamais usé à ce jour.