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L'armée syrienne accusée d'avoir "ordonné des opérations de meurtres" contre les manifestants

Dans un rapport publié jeudi et rédigé sur la base d'entretiens avec des déserteurs, l'organisation Human Rights Watch affirme que plus de 70 responsables militaires syriens ont ordonné ou autorisé des tirs sur des manifestants désarmés.

AFP - Des commandants syriens ont ordonné d'ouvrir le feu aveuglément sur des manifestants sans armes, a indiqué Human Rights Watch (HRW) dans un rapport publié jeudi réalisé à partir d'entretiens avec des soldats ayant fait défection.

Ces déserteurs ont cité le nom de 74 officiers militaires et des renseignements "qui auraient ordonné, autorisé, ou toléré des opérations de grande ampleur de meurtres, de torture, et des arrestations illégales", a indiqué l'organisation de défense des droits de l'Homme dans un communiqué.

Des déserteurs tuent 27 soldats en Syrie

Vingt-sept soldats syriens ont été tués par des déserteurs de l’armée jeudi dans la province de Deraa (sud), ce qui constitue l’attaque la plus meurtrière pour les forces du président Bachar al Assad depuis mars.

Selon l’Observatoire syrien pour les droits de l’homme, les combats ont eu lieu à l’aube au coeur même de la ville de Deraa, berceau de la contestation populaire contre le régime, et à un barrage routier établi à Mousaïfrah, 25 km à l’est.

Les quinze soldats et membres des forces de sécurité qui se trouvaient à ce checkpoint auraient tous été tués, a dit Rami Abdelrahman, de l’Observatoire basé à Londres.

Le groupe ne précise pas comment ces affrontements ont éclaté, mais le bilan élevé dans les rangs des forces de sécurité suggère qu’il s’agit d’attaques coordonnées par les rebelles, dont les opérations contre des cibles militaires se sont accentuées ces dernières semaines.

Selon des militants, les forces d’Assad ont ratissé les rues des banlieues de l’est de Damas jeudi à l’aube à la recherche de déserteurs et tentant de briser la "grève pour la dignité" de l’opposition. (Reuters)
 

Les soldats ont eu pour ordre de mettre fin aux manifestations "par tous les moyens nécessaires", dont la force létale, a indiqué HRW précisant que son rapport intitulé "par tous les moyens nécessaires" a été réalisé à partir d'entretiens avec plus de 60 ex-soldats syriens.

Environ la moitié des déserteurs interrogés ont indiqué avoir reçu des ordres directs pour tirer aussi bien sur les manifestants que sur les passants.

"Les déserteurs nous ont donné les noms, les rangs, les fonctions de ceux qui ont donné les ordres de tirer et de tuer", a indiqué Anna Neistat, directrice associée de HRW pour les urgences, dans un communiqué.

L'un de ces déserteurs a indiqué qu'il avait été envoyé à Deraa (sud) et que son commandant lui avait donné l'ordre de tirer sur des manifestants le 25 avril.

"Le commandant de notre régiment, le Brigadier général Ramadan Ramadan disait +Ayez recours à des tirs nourris. Personne ne vous demandera d'explications+. Normalement nous devons économiser les balles, mais cette fois il a dit +utilisez autant de balles que vous voulez+", a-t-il indiqué, selon le rapport.

"Et quand quelqu'un demandait ce que nous étions censés viser, il disait, +tout ce qui se trouve en face de vous+. Une quarantaine de manifestants avaient été tués ce jour là", a raconté ce témoin.

Le président syrien Bachar al-Assad accuse des rebelles armés d'être responsables du bain de sang, a indiqué HRW ajoutant que l'organisation avait recensé des cas où des forces anti-régime avaient attaqué des soldats.

Mais, selon HRW, la plupart des manifestations sur lesquelles l'organisation a pu avoir des informations, étaient pacifiques, ajoutant que les commandants militaires syriens responsables d'abus contre des manifestants devront rendre des comptes.

"Chacun des officiers identifiés dans ce rapport, jusqu'aux plus hauts niveaux du gouvernement syrien, devraient répondre de leurs crimes contre le peuple syrien", a indiqué Mme Neistat, pressant le Conseil de sécurité de l'ONU de saisir la Cour pénale internationale (CPI) de ces cas.

La haut commissaire aux droits de l'Homme de l'ONU, Navi Pillay, a donné mardi une estimation de plus de 5.000 personnes tuées depuis le début de la contestation en Syrie, le 15 mars. Elle a également pressé le Conseil de sécurité d'en saisir la CPI.

La Syrie n’étant pas un Etat partie au Statut de Rome, qui régit la CPI, la Cour n'a pas compétence pour enquêter sur des allégations de crimes contre l'humanité commis en Syrie, une saisine par le Conseil de sécurité de l'ONU étant pour cela nécessaire, avait indiqué en août le procureur.