Figure montante de l'opposition, Alexeï Navalny est connu pour avoir renommé le parti Russie unie en "Parti des voleurs et des escrocs". Le blogueur a été condamné pour troubles à l’ordre public après une manifestation anti-Poutine.
Alexeï Navalny est en passe de devenir l’une des icônes des manifestants moscovites qui, par dizaines de milliers, dénoncent des fraudes lors des élections législatives du 4 décembre. En le condamnant à 15 jours de prison pour troubles à l’ordre public après sa participation à la manifestation du 5 décembre, les autorités russes ont implicitement reconnu que ce blogueur russe de 35 ans commençait à être connu au-delà du petit monde d’Internet.
Avant la contestation des résultats des élections remportées par Russie unie - le parti du président Dmitri Medvedev et du Premier ministre Vladimir Poutine -, Alexeï Navalny était davantage connu des médias occidentaux que des Russes eux-mêmes. Une popularité internationale que lui a valu la croisade anti-corruption qu’il a mené depuis 2007 sur le réseau social LiveJournal puis sur son blog personnel Rospil.info. Cet avocat spécialiste du droit commercial enquête sur la corruption de grands groupes russes, comme les géants de l’énergie Transneft et Gazprom ou de responsables politiques.En 2010, les révélations d’Alexeï Navalny ont ainsi poussé à la démission plusieurs membres du ministère de la Santé impliqués dans des affaires de contrats publics douteux.
Postérité politique
Cette cyber-vigilance a permis à l’activiste de se faire un nom parmi les militants anti-Poutine les plus actifs, et auprès des observateurs et médias internationaux. Il restait cependant ignoré du grand public russe. “Il n’y pas de star de l’Internet chez nous, car jusqu’à présent le Web n’était pas considéré par les Russes comme un moyen de contestation politique”, explique à France 24 Tatiana Tropina, spécialiste russe de la sécurité informatique et d’Internet en Russie.
En fait, l’homme est beaucoup moins connu que l’expression “Parti des voleurs et des escrocs” qu’il est le premier à avoir utilisé sur son blog en 2009 pour qualifier Russie unie et qui est depuis passé à la postérité politique. “Des gens qui n’ont jamais entendu parler d’Alexeï Navalny connaissent et reprennent à leur compte cette manière de qualifier le parti au pouvoir”, souligne Tatiana Tropina. Le parti de centre-gauche Une Russie juste en avait ainsi fait son slogan de campagne pour les élections législatives.
Une popularité qui n'a pas échappé au pouvoir qui a réagi de manière brutale. “Aujourd'hui, il est clair que quelqu'un qui parle sur son blog du 'Parti des escrocs et des voleurs' est juste un enculé d’abruti”, pouvait-on ainsi lire, le 8 décembre, sur le fil Twitter officiel de Dmitri Medvedev. Le lendemain, le président russe s’est désolidarisé de ce message expliquant qu’un technicien l’avait posté par erreur.
Associé aux milieux nationalistes
Les Russes peuvent dorénavant associer un visage à ce slogan, tant Alexeï Navalny s'est impliqué dans les manifestation pour dénoncer les fraudes électorales. De quoi faire peur au pouvoir en place car “contrairement aux autres personnalités anti-Poutine, ce blogueur ne traîne pas de casseroles et n’a jamais été de près ou de loin associé au pouvoir”, souligne Tatiana Tropina.
Présent lors d’un rassemblement nationaliste début novembre où certains jeunes ne cachaient pas leurs liens avec les mouvements néo-nazis, Alexeï Navalny est associé aux milieux nationalistes, ce qui l’empêche de s’attirer les sympathies de tous les opposants au régime, estime la spécialiste.
Si le discours du blogueur ne plaît pas à tout le monde même parmi les opposants au régime, sa popularité grandissante a néanmoins démontré aux Russes pour la première fois que "les réseaux sociaux pouvaient être un instrument utile de contestation politique”, se réjouit Tatiana Tropina. L’apparition de cette nouvelle dimension politique d’Internet en Russie n’a pas échappé au pouvoir. Le président Dmitri Medvedev a choisi sa page Facebook pour briser le silence qu’il avait gardé pendant les élections législatives et déclaré ne pas être d’accord avec les “revendications des manifestants”.