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Homme d’affaires et politicien aguerri, ce mormon de 65 ans s'est forgé l'image d'un candidat capable de battre Barack Obama en 2012. Malgré de sérieux atouts, il peine pourtant à rassembler dans sa famille républicaine.

Depuis le début de la campagne d’investiture, Mitt Romney figure parmi les favoris de la primaire républicaine à la présidentielle américaine en novembre prochain. Concurrencé tour à tour par Michele Bachmann, Herman Cain et Rick Perry, il est parvenu à les distancer les uns après les autres, les contraignant à renoncer à leur candidature.

Issu de la frange traditionnelle du Parti républicain, il ne démérite pas dans les sondages face à Barack Obama, à moins d’un an du scrutin. Pour concurrencer le président sortant auprès des électeurs, celui-ci s’appuie notamment sur son passé de businessman. Diplômé d’économie à Harvard, Romney a connu une belle réussite professionnelle en créant dans les années 1980 une société d‘investissements, Bain Capital. Une expérience qui le conduit à clamer aujourd’hui haut et fort qu’il sait faire ce que le président n’a justement pas réalisé : créer des emplois.

La stratégie, de toute évidence, s’avère payante, pour John Fortier, politologue au sein du think tank américain Bipartisan Policy Centre. “Mitt Romney bénéficie de nombreux soutiens parmi les conservateurs et dans le monde de la finance, estime-t-il. Et il sait aussi se montrer convaincant sur les sujets économiques, ce qui n’est pas négligeable face à un président qui peine à relancer l’économie.”

Et de poursuivre : “Romney s’est montré solide, comparé à ses adversaires qui ont alterné des hauts et des bas.” Pourtant, au-delà de son profil économique, sa personnalité ne fait pas l’unanimité et l’empêche de prendre le pas sur ses adversaires républicains. Pour Thomas Mann, analyste politique de la Brookings Institution, “Romney est brillant et expérimenté, mais il semble avoir peu de principe et manquer d’aisance”. De son côté, un membre de son équipe estime, sous couvert d’anonymat, qu’il est "difficile d’aimer Mitt, mais il est aussi difficile de le détester".

La volte-face, la spécialité de Romney

Tous les experts s’accordent à dire que Romney, réputé distant, est souvent déconnecté de la majorité des Américains. Pour preuve : sa somptueuse maison en bord de mer à San Diego, qui a fait la une de plusieurs journaux. Cet été, les médias ont également diffusé une vidéo de lui s’adressant à un trublion en marge d’un discours économique : “Les entreprises sont des gens comme les autres, mon ami ”, a-t-il lâché.

Ses tentatives de se rapprocher des électeurs n’ont pas toujours été probantes : lors d’un dîner dans le New Hampshire au cours de la campagne, Romney a provoqué des rires gênés après avoir raconté qu’une serveuse venait de lui pincer les fesses. Ce genre de scènes lui a valu d’être qualifié de "candidat coincé" par le journaliste du New York Times Gail Collins.

Autre source de controverse chez les conservateurs : sa religion mormone - à l’âge de 19 ans, il passe deux ans en France en tant que missionnaire -, qui suscite “un malaise parmi les conservateurs [chrétiens] ”, estime Fortier.

Mais aux yeux de tous les experts, son plus gros point faible reste incontestablement ses innombrables "volte-face". Et la liste est longue : l’ancien gouverneur du Massachusetts a créé un système de santé reposant sur le principe que chaque personne doit être assurée. Un projet qui a largement inspiré Obama pour refonder le système de santé, mais qui a pourtant suscité de vives critiques de la part des républicains, au premier rang desquels... Romney. Il s’est également positionné contre l’avortement et le mariage homosexuel, alors qu’en 1994, à la faveur d'un débat l'opposant au démocrate Ted Kennedy, il s'était dit favorable à l'octroi de certains droits pour les couples gays.

Sa position sur l’immigration s’est aussi considérablement durcie depuis 2006, date à laquelle l’ex-chef d’entreprise avait embauché des ouvriers sans papiers. De même pour le libre-échange, qu’il plébiscitait par le passé alors qu’il a récemment proposé des droits de douane sur les produits chinois. Enfin, sur le plan de sauvetage des banques en 2008, il a d’abord exprimé son accord avant de retourner sa veste.

“Mitt vs. Mitt”

Malgré tout, les analystes continuent de le considérer comme celui qui a le plus de chance d’affronter Obama. D'ailleurs, les démocrates le considèrent déjà comme le candidat républicain. Ils le décrivent comme un animal politique calculateur, peu digne de confiance et prêt à changer d’avis pour gagner le plus de votes. Une vidéo sur Internet intitulée “Mitt vs. Mitt”, sponsorisée par le comité national démocrate, met en opposition ses déclarations anciennes et récentes sur des thèmes majeurs de la campagne.

Les conseillers d’Obama pointent aussi du doigt son côté "girouette" qui peut s’avérer dangereux en matière de politique étrangère - un des terrains favoris du locataire de la Maison Blanche. Une note de service récente d’un des conseillers du président recense plusieurs déclarations contradictoires, ou incohérentes, de Romney sur l’Afghanistan, la Libye et le Pakistan.

Mais en dépit de ces contradictions, Romney reste un adversaire de taille pour Obama. “Si Romney est le candidat républicain, la course à la Maison Blanche sera raisonnablement serrée, mais il se pourrait qu’il soit légèrement favori”, prédit Fortier.