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Quelque 110 millions d'électeurs sont appelés aux urnes pour élire leur nouveau Parlement. Le scrutin semble joué d'avance dans un paysage politique dominé par le parti Russie unie de Vladimir Poutine et Dmitri Medvedev.

Dans toutes les villes et le long des routes de Russie, les affiches de campagne pullulent à l’heure des élections législatives qui se déroulent dimanche dans le pays. "Vote pour la Russie, vote pour toi-même", clament celles de la Commission électorale centrale (CEC) en charge de l’organisation du scrutin pour appeler les quelque 110 millions d'électeurs à accomplir leur devoir de citoyen.

Parmi les autres pancartes, celles du parti au pouvoir, Russie unie, prédominent largement. "Ensemble nous gagnerons !", peut-on lire sur une photo réunissant le Premier ministre Vladimir Poutine et le président Dmitri Medvedev. Une affiche qui en dit long sur le paysage politique russe, verrouillé par l’inséparable tandem…

"Ce ne sont pas des élections législatives puisqu’on connaît déjà les résultats. Il n’y a pas d’enjeu", décrypte Hélène Blanc, écrivain et co-auteur de "Les prédateurs du Kremlin". Au total, un peu plus de 3 000 candidats issus de sept partis se disputent les 450 sièges de la Douma, la chambre basse du Parlement, mais une seule formation est déjà sûre de s’imposer : Russie unie, victorieuse lors des dernières législatives en 2007 avec plus de 64% des suffrages (315 sièges).

Même si le parti était crédité de 56% des intentions de vote en novembre - soit 12 points de moins qu’en octobre - selon un sondage de l'institut indépendant Levada, "le pouvoir est sûr de sa victoire", affirme Pierre Lorrain, spécialiste de la Russie et auteur de l’ouvrage "La mystérieuse ascension de Vladimir Poutine".

Le levier de la fraude

"Russie unie obtiendra la majorité à la Douma, poursuit-il. Pour y parvenir, le parti n’hésitera pas à avoir recours à la fraude". "Si les résultats des législatives ne conviennent pas, ils seront gonflés", confirme Anne de Tinguy, spécialiste de la Russie. Des soupçons d’irrégularités planent en effet sur le scrutin. "Les salariés sont contraints de voter sous la surveillance de leurs supérieurs. C'est ça une élection libre, c'est ça la démocratie ?", interroge ainsi un élu du parti Russie juste, une formation de centre-gauche, cité par l’AFP.

L'ONG russe Golos, une association financée par des fonds occidentaux qui recense les fraudes électorales en Russie sur un site interactif, a comptabilisé près de 5 000 irrégularités  - pour la plupart imputées au parti au pouvoir. Et preuve que la pression se durcit à la veille du scrutin : sa responsable, Lilia Chibanova, a été retenue samedi à la douane à l'aéroport de Moscou et a vu son ordinateur confisqué après que l’ONG a écopé d’une amende pour violation de la loi électorale.

"Les fraudes sont une tradition soviétique qui n’a pas disparu, reprend Pierre Lorrain. Le bourrage des urnes, ou les urnes itinérantes qui vont récupérer les bulletins des personnes malades, c’est connu, surtout dans les petits villages". Et de poursuivre : "Mais ça ne concerne pas que le pouvoir. Le Parti communiste, principal parti d’opposition qui avait récolté 11,6% lors des dernières législatives, est aussi coutumier de ce genre de pratique."

"Poutine dans une tour d’ivoire"

Les résultats du scrutin seront scrutés à la loupe par Vladimir Poutine en vue de l'élection présidentielle du 4 mars 2012, à laquelle il est candidat. Le Premier ministre veut retrouver sa fonction de président de Fédération de Russie (2000-2008) qu'il avait due céder à son binôme Dmitri Medvedev pour respecter la Constitution, qui limite la présidence à deux mandats successifs. Mais ce tour de passe-passe est loin de faire l'unanimité dans la population. 

"Les Russes manifestent un certain désarroi depuis le retour de Poutine sur le devant de la scène. Ils ne pensaient vraiment pas qu'il oserait se représenter après douze années au pouvoir, poursuit Anne de Tinguy. Poutine est dans une tour d’ivoire. Il est très isolé de sa population, qui aspire à un renouvellement du paysage politique".

Pour Pierre Lorrain, l’actuel Premier ministre jouit au contraire d’une "bonne cote de popularité" mais reconnait que "les slogans poutiniens qui prônent la stabilité du pays n’ont pas de succès". Il estime que la Russie a une chance d’évoluer et de se moderniser si Poutine laisse Medvedev gouverner : "Poutine, qui a une vision étatique de la politique, entend développer l’économie grâce à l’industrie militaire tandis que Medevedev privilégie l’économie de marché et la privatisation, ce qui serait la meilleure option pour le pays".