, avec dépêches – Près de 40 millions d’Égyptiens sont appelés aux urnes à partir de ce lundi pour élire les 498 membres de l'Assemblée du peuple. Un scrutin qui intervient alors que des milliers de manifestants sont toujours rassemblés place Tahrir.
Les différentes phases des élections législatives
La première phase des élections législatives concerne l’Assemblée du peuple, la chambre basse du Parlement.
Les électeurs des gouvernorats de Basse-Égypte voteront en premier, entre le 28 novembre et le 6 décembre. Ensuite viendra le tour des régions du delta du Nil du 14 au 22 décembre. Enfin, les électeurs de Haute Egypte clôtureront l’élection de la chambre basse du Parlement entre les 3 et 11 janvier 2012.
L’élection de la chambre haute (la Choura) se déroulera elle aussi en trois temps, du 29 janvier au 11 mars.
Pour la première fois depuis la chute, le 11 février, de l’ancien président égyptien Hosni Moubarak, les Égyptiens se rendent aux urnes à l'occasion des élections législatives organisées à partir de lundi 28 novembre . Le processus, considéré comme crucial pour la transition démocratique en cours, se tient alors que l’Égypte se trouve de nouveau dans l’impasse politique.
Pour beaucoup d’Égyptiens en effet, le printemps arabe n’a pas tenu ses promesses. Depuis le 18 novembre, des dizaines de milliers de manifestants ont réinvesti la place Tahrir, au Caire, symbole de la révolution égyptienne, pour exiger un départ des militaires qui assurent l’intérim du pouvoir depuis la démission du rais.
"Lorsque nous avons quitté la place Tahrir au mois de février après le départ de Moubarak, nous avons laissé une chance à l’armée en nous disant qu’elle n’adopterait pas le même comportement que lui [fin janvier 2011, l’armée a pris le parti des manifestants en assurant qu’elle ne tirerait pas sur la foule qui exigeait le départ de Moubarak ndlr], raconte au micro de FRANCE 24 Samy, un jeune manifestant. Mais il s’est avéré, au final, que l’armée n’a pris que des mesures contre la révolution et a trahi ses idéaux." "Rien n’a changé, renchérit un autre manifestant. Le conseil militaire est une copie conforme du pouvoir d'Hosni Moubarak."
Les manifestants rejettent la nomination de Ganzouri
Dans le collimateur des manifestants : le calendrier électoral initialement fixé par les militaires - une présidentielle en 2013 et des élections législatives longues de plusieurs mois - qui retarde le transfert du pouvoir aux civils. Sous la pression de la rue, le maréchal Hussein Tantaoui, à la tête du Conseil suprême des forces armées (CSFA), a fini par accepter la démission du gouvernement d’Essam Charaf, le 22 novembre, après trois jours de violences au cours desquelles une trentaine de personnes ont trouvé la mort. Celui-ci avait également annoncé, dans la foulée, la tenue de l'élection présidentielle avant juillet 2012 et chargé Kamal el-Ganzouri, ancien Premier ministre sous Moubarak (1996-1999), de diriger un gouvernement de "salut national". À l’annonce de la nomination d’un représentant de l’ancien régime, les manifestations ont redoublé de violence.
Une large partie des manifestants aurait préféré voir Mohamed el-Baradei ou Amr Moussa nommé à la tête du gouvernement. Le premier, prix Nobel de la paix et ancien directeur de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), s’est posé en grand adversaire du régime de Moubarak en rejoignant les manifestants fin janvier au Caire. Le second, ancien secrétaire général de la Ligue arabe (2001-2011) et opposant historique de Moubarak, était pressenti pour mener la transition au début de l'année et jouit d’une grande popularité en Égypte.
Samedi, deux jours avant le début des élections législatives, Mohamed el-Baradei et Amr Moussa ont été reçus par le maréchal Tantaoui, qui leur a demandé de soutenir le gouvernement de Ganzouri. En réponse, Mohamed el-Baradei, candidat à la présidentielle soutenu par une large partie des manifestants, a proposé de mettre de côté ses ambitions présidentielles pour diriger un gouvernement de salut national et accélérer ainsi le transfert du pouvoir aux civils.
Le pouvoir tente en vain une ouverture
"Le Coran est notre Constitution"
Créée en 1928 par Hassan al-Banna (1906-1949), grand-père maternel du théologien controversé Tariq Ramadan, la confrérie des Frères musulmans naît au crépuscule de la colonisation britannique en Égypte, afin de lutter contre "l’emprise laïque occidentale et l’imitation aveugle du modèle européen".
Aux aspirations nationalistes de ceux qui réclament le départ des Européens, les Frères opposent un slogan toujours en vigueur : "Le Coran est notre Constitution." Leur objectif est, à ce jour, inchangé : instaurer un État islamique fondé sur l’application de la charia.
Sous Hosni Moubarak, les Frères musulmans étaient officiellement interdits dans le pays, mais tolérés dans les faits.
"Les forces et les groupes politiques ont souligné que le seul moyen de sortir de la crise était de former un gouvernement de coalition nationale avec les pleins pouvoirs pour gérer la période de transition jusqu’à la tenue de l’élection présidentielle", a fait savoir l’équipe de campagne de Baradei. "C’est un moyen indirect de rejeter le gouvernement de Ganzouri et toute forme de coopération avec lui", estime le politologue Hassan Nafaa, interrogé par l’AFP.
Kamal el-Ganzouri s’est dit, de son côté, prêt à s’asseoir "autour d’une table avec tous les courants politiques" et à inclure "des jeunes et des nouveaux visages" dans son gouvernement. Peine perdue. Malgré cette tentative d’ouverture, des milliers de manifestants se sont rassemblés dimanche 27 novembre sur la place Tahrir pour protester contre sa nomination et exiger un transfert du pouvoir aux civils.
L’Union européenne et les Etats-Unis, qui redoutent une crise politique en Égypte, appuient les revendications des manifestants de la place Tahrir en demandant de transférer "le plus tôt possible" le pouvoir à un régime civil.
Dans ce contexte de crise, le scrutin législatif qui commence ce lundi 28 novembre divise les Égyptiens. Nombre d’entre eux souhaitaient en effet que les élections soient reportées de quelques semaines. Une éventualité à laquelle s’est fermement opposée la formation islamiste des
Frères musulmans, le Parti liberté et justice qui, selon les derniers sondages, pourrait recueillir 30 % des suffrages.