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Les relations s’électrisent entre écologistes et socialistes sur le nucléaire

Les négociations entre le Parti socialiste et Europe Écologie-Les Verts sont menacées car François Hollande souhaite poursuivre, s’il est élu, la construction de l’EPR, réacteur nucléaire de 3e génération en chantier à Flamanville.

"On travaille bien. On rapproche les points de vue." Mercredi 2 novembre, Jean-Vincent Placé, sénateur Europe Écologie-Les Verts (EELV), se félicitait de l’avancée des négociations entre son parti et les socialistes. Six jours plus tard, les relations se sont soudainement tendues, aboutissant mardi matin à l’annulation d’une réunion entre les deux formations. En cause : une déclaration de François Hollande sur France 2, la veille au soir, dans laquelle il annonçait qu’il "préserverai[t] (…) la construction d’un EPR" si les conditions de sécurité étaient réunies. Or, les écologistes avaient justement posé comme condition à un accord que le candidat socialiste à la présidentielle abandonne le chantier du réacteur nucléaire troisième génération, en cours de construction à Flamanville (Ouest de la France).

"Les négociations étaient sur la bonne voie"

Nucléaire, retraites, mode de scrutin... Écologistes et socialistes discutent depuis plusieurs semaines pour aboutir à un socle de programme commun qui leur permette de gouverner ensemble en 2012. Ils cherchent aussi un accord électoral en vue des élections législatives - l’objectif étant d’identifier des circonscriptions où le Parti socialiste (PS) laisserait la voie libre à EELV.

"Les négociations étaient sur la bonne voie", rappelle à FRANCE 24 Pascal Durand, porte-parole d’Europe Écologie-Les Verts. Les écologistes avaient en effet cédé sur un point crucial ces derniers jours. Alors que la sortie du nucléaire était une condition sine qua non à un accord, ils semblaient finalement se contenter d'une réduction du nucléaire de 75 à 50 % de la production d’électricité d’ici 2025. "Nous étions prêts à un gros compromis", souligne Denis Baupin, adjoint au maire de Paris et négociateur EELV dans une interview à FRANCE 24. Encore fallait-il que le contenu de l’accord, même sans le dire, laisse possible une sortie du nucléaire, précise-t-il. Ce ne sera pas le cas si le PS s’engage à poursuivre la construction de l’EPR, qui doit entrer en service en 2016.

"Peu de Verts pourront se maintenir au second tour sans le PS"

Mardi matin, un cadre du parti EELV a, de manière anonyme, annoncé à l’AFP que les négociations étaient "suspendues". Une déclaration tempérée un peu plus tard par la Secrétaire nationale du parti. "On a un calendrier de négociations avec un terme qui est celui du 19 novembre, nous poursuivons sur ce processus de discussion", a assuré Cécile Duflot à l’agence de presse. "En attendant d’en savoir plus de la part du Parti socialiste, nous avons fait savoir que nous n’allions pas tenir les réunions qui étaient prévues", a toutefois précisé Denis Baupin à FRANCE 24.

Les socialistes se sont quant à eux peu exprimés sur le sujet. La position de François Hollande "n'est en rien une fin de non-recevoir", a déclaré à l'AFP Michel Sapin, proche du candidat PS.

En l’absence d’accord, les conséquences seraient plus lourdes pour les écologistes que pour les socialistes - les premiers comptent notamment sur l’aide des seconds pour obtenir un groupe à l’Assemblée nationale. "Le Parti socialiste peut faire sans les Verts, mais peu de candidats verts pourront se maintenir au second tour des législatives sans accord avec le PS", rappelle Guillaume Sainteny, maître de conférences à l’école Polytechnique et auteur de L’Introuvable Écologisme français ? (Puf, 2000). "Pour le PS, certes, un accord serait préférable mais la priorité est de préserver l’unité du parti." Or, chez les socialistes, l’abandon de l’EPR est loin de faire l’unanimité. Le député-maire socialiste de Cherbourg Bernard Cazeneuve, dont la circonscription comprend Flamanville, a par exemple menacé lundi de ne pas se présenter aux législatives"si on décidait d’arrêter le chantier".

Vers une nouvelle pirouette ?

Les écologistes semblent embourbés. "Le nucléaire est pour eux un élément identitaire, leur base ne comprendrait pas qu’ils soient mous sur le sujet, même si ce n’est pas forcément le problème numéro un en matière d’environnement", souligne Guillaume Sainteny. Et ils ne sont pas en position de force dans les discussions "car il n’ont pas d’autres partenaires de négociation", précise ce spécialiste de l’écologie politique.

À moins que les deux partis ne sortent de cette impasse par une nouvelle pirouette rhétorique permettant à tous de garder la tête haute - ils pourraient par exemple annoncer une "commission d’experts" ou "un débat public" sur le sujet, explosif, de l’EPR, imagine Daniel Boy, directeur de recherche au Cevipof, le centre de recherches politiques de Sciences Po.